Le pouvoir thérapeutique de l’EMDR et des Contes auprès des enfants présentant de la dissociation - 2ème Partie - (Enfant, parents, ado, adulte, Psy EMDR Paris)

Petit préambule …

Cet écrit s’adresse tant aux professionnels de santé qu’aux patients désireux d’en apprendre davantage sur leur psychisme, et aura pour dessein, quelque peu ambitieux, je l’avoue, la mise en lumière d’un essai de modèle theorico-expérimental, issu du fruit de ma pratique clinique en qualité de Psychologue Clinicienne et Thérapeute Familiale depuis 25 ans, plus récemment spécialisée en EMDR.

J’y présente quelques expériences cliniques traitant du pouvoir thérapeutique que j’ai pu entrevoir en associant l’EMDR et les Contes auprès des enfants et de leur famille. N’y recherchez aucun substrat scientifique, car les situations cliniques que je vais vous présenter n’auront qu’une visée illustratrice et n’ont encore fait l’objet d’aucune étude randomisée ou généralisable, à ma connaissance.

 

Qu’appelle-t-on « parties dissociées » chez les enfants ?

 

Alors que je travaillais dans la « salle des mots doux » (ou Salle diplomatique ou table de Fraser. Cf. Article) avec Jérôme, un patient pré-adolescent encoprésique, à l’héritage transgénérationnel particulièrement impacté de TSPT complexes, tant du côté maternel que paternel, l’enfant me fait part de deux portes visibles au sein de son lieu de rencontre, desquelles ressortent ses Parties Émotionnelles (PE) sous forme symbolique.

Je comprendrai plus tard qu’il s’agira de l’allégorie de la vie de ses deux parents, la première porte ouvrant sur la « renardise », ou en d’autres termes l’art de trouver des stratégies pertinentes, tel le renard, pour se sortir de situations dramatiques, et qu’il associera à sa mère, et la seconde donnant accès à une porte lumineuse blanche presque mystique s’ouvrant sur l’infini et qu’il associera par la suite à toutes les ouvertures possibles sur la vie auxquelles son père a travaillé dur toute sa vie pour mettre un terme aux dysfonctionnements familiaux qu’il subissait étant jeune.

 

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Lorsque nous abordons la question des parties dissociées, je pense également à Aliénor en pleine phase de latence (âgée de 10 ans) qui ne parvient pas à dormir seule, ni à s’éloigner de ses parents. Dans la salle des mots doux, ce sont également des figures symboliques parentales qui s’inviteront autour de la table pour discuter du sujet qui nous occupe. Cette jeune patiente fera apparaître une moelleuse et très grande ourse, symbole maternel (sa mère est très grande physiquement et la nourrit d’amour à profusion, sans limite), et le mouton bleu, bleu parce que c’est la couleur préférée de son père. Ce mouton sera quant à lui dans un espace tiers seul et joyeux à l’idée de brouter l’herbe de son champs (le père aspire à de la tranquillité, c’est un ermite créatif).

 

 

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À travers l’expérience clinique de ces deux jeunes patients (table de Fraser ajustée en salle des mots doux pour les enfants), j’identifie à ce moment précis, et c’est assez logique psychologiquement parlant, que leurs Parties Émotionnelles (PE) ne sont pas originelles ou intrinsèques c’est à dire personnelles à l’enfant, elles se construisent également sur la base d’entités tutélaires et/ou transgénérationnelles, qui comprennent, en elles, leur propres histoires et avec elles leurs reliquats en matière de Partie Émotionnelle.

L’association de ces trois dimensions : intrinsèque à l’enfant, tutélaire et transgénérationnelle constitueront probablement à terme la future identité de l’enfant.

 

Comment se façonnent les PE et l’identité des enfants ?

 

Nous avons constaté que les enfants structurent leur personnalité et la façonnent via plusieurs facteurs qui s’entremêlent au fil du temps comme la génétique et/ou le tempérament initial selon les découvertes du célèbre pédiatre Brazelton, mais aussi en lien avec l’environnement : les influences parentales, familiales, la fratrie, l’école, les pairs, les amis, puis plus tard l’entreprise …

Comment ces jeux d’influence se concrétisent et se construisent dans le temps ? Pourquoi tel chemin fera office de tranchée plus profonde, laissant filer l’information sensorielle ou émotionnelle plus facilement ici qu’ailleurs ? Nul ne le sait.. encore.

Même le Pr Nash s’y était essayé sans succès, en tentant d’anticiper les interactions de pigeons en mouvement, et ce malgré un Prix Nobel !

Laissons donc ce débat à d’autres et consacrons-nous plutôt aux éléments repérables et concrets qui traduisent des blocages dans la vie des enfants, afin d’éviter que ces freins ne deviennent trop invalidants pour eux à l’avenir.

Plus que de tenter de prévenir ou de déterminer préalablement les interactions cérébrales priorisées dans la vie de l’enfant, mon propos consiste plutôt, comme la plupart de mes Collègues, à identifier ces chemins avec ce dont ils se composent, notamment leurs images et idées négatives, leurs émotions et sensorialité mnésique plus ou moins paralysante, autant de perceptions venant freiner voire déstabiliser le développement harmonieux de l’enfant.

Comme précisé précédemment, les jeunes enfants laissent apparaître des espaces vides qui se colorent au gré des interactions sociales avec leur environnement et des événements de vie traumatique directs et/ ou vicariants*.

Rappelons que le trauma vicariant* a été mis en évidence pour la première fois dans l’étude ACE (Adverse Childhood Experiences) entre 1995 et 1997 concernant les violences domestiques. Il a été montré que les enfants qui étaient exposés indirectement aux conflits parentaux, éprouvaient le même type de traumatisme psychique que les adultes délivrant une violence directe. Le trauma vicariant constitue donc un traumatisme vécu indirectement par le sujet mais ressenti aux premières loge.

 

Face à de telles urgences, nous nous transformons, nous thérapeutes, en véritables archéologues, fouillant au plus profond de chaque enfant, notre mission étant de déterrer, avec l’aide du patient, ces images, idées, émotions, sensations qui forment des chemins plus ou moins escarpés, traumatiques et qu’il nous sera nécessaire, une fois identifiés, de retraiter.

 

Identifier la nature des Parties qui forme l’identité à venir de l’enfant

 

Si nous prenons la métaphore du tabac, et le comparons aux traumas, nous observons que le tabac, au même titre que le trauma, peut causer des dégâts sur la santé de différentes façons, en fonction du moment et de la façon dont il intervient dans la vie du sujet.

 

  • Prédisposition innée génétique

Quand la mère a en elle une prédisposition au cancer et qu’elle tombe enceinte, elle peut parfois transmettre génétiquement cette même fragilité à son fœtus.

L’enfant pourra être ou non impacté par cette prédisposition génétique, qui le fonde au monde depuis sa conception. Métaphoriquement parlant, il s’agirait ici d’un trauma indirect pour l’enfant en devenir, trauma potentiel avec lequel il se modèlera.

 

  • Partie tutélaire innée ou Hérédité parentale pour l’enfant ?

Si une femme fume durant sa grossesse, nous savons aujourd’hui que son fœtus pourra malheureusement être impacté par des anomalies du développement plus ou moins délétères (croissance, poids, troubles intellectuels..) qui s’inscriront à terme au sein de son patrimoine héréditaire.

Cette pratique active durant la grossesse, aura également comme impact une plus grande appétence pour l’enfant en devenir à fumer à l’âge adulte, la nicotine ayant infiltré précocement son organisme sur le plan physiologique, il laissera en lui une dépendance au produit.

L’action du tabac, dans ce contexte précis, pourrait se juxtaposer comme une « Partie tutélaire», car impactant son fœtus sans qu’il ne puisse s’en protéger. L’enfant subit cette pratique externe parentale, qui finira par le constituer également puisqu’il aura toujours évolué et vécu avec cette nicotine, alors qu’il évoluait dans le ventre de sa mère.

 

  • Acquis transgénérationnel

Un enfant qui vit dans un environnement tabagique, mais qui se sera développé dans le ventre de sa mère sans tabac, fera l’expérience du tabagisme passif durant l’enfance. Si les cancers attribués au tabagisme direct sont plus évidents, nous savons aujourd’hui que le tabagisme passif peut également en être une cause.

Une personne n’ayant jamais fumé de sa vie peut malheureusement également déclencher sur le tard un cancer du poumon s’il a vécu dans cet environnement tabagique.

En d’autres termes, un Cancer contracté par ce tabagisme passif pourrait dès lors correspondre à cette transmission transgénérationnelle.

L’enfant souffre dans ce cas du fonctionnement familial, il s’agit pour lui d’un héritage transgénérationnel. Il aura vu ses parents fumer, mais il aura pu aussi rencontrer d’autres personnes non fumeuses au cours de son évolution.

Il sera peut-être impacté ultérieurement par cette pratique parentale dans laquelle il aura évolué toute son enfance et fera ensuite le choix à l’âge adulte d’imiter ou non ses parents.

 

  • Tempérament inné et acquis : l’avènement de l’identité

En effet, plus tard, un adulte peut décider ou non, de fumer. Cela dépend de son choix propre, de sa volonté personnelle ou intrinsèque, d’une décision qu’il a prise, en partie, en fonction de son histoire personnelle, de ses motivations et de ce qui s’est construit en matière de croyances personnelles. C’est ce que j’appellerai la Partie acquise et délibérée du sujet, qui répond du tempérament propre de l’individu, tel que Brazelton en a parlé.

 

Les parties émotionnelles sont-elles dissociées ou interrompues dans leur développement ?

Il est probable, à contrario, qu’au cours du temps, le travail de liaison des parties émotionnelles, de quelque nature qu’elles soient, se réalise naturellement à travers les bonnes interactions environnementales qui nourrissent et favorisent à terme l’harmonie du MOI futur ou en d’autres termes de l’identité structurée de l’adulte.

Parler de dissociation, dans ce contexte pour les enfants constituerait ainsi une sorte « d’adultomorphisme. »

Il me semblerait donc plus judicieux, dans ce cas, de dire que les parties émotionnelles des enfants sont toujours et naturellement en construction jusqu’à la fin de la puberté. Ceci expliquerait d’autant mieux la raison pour laquelle on ne parle pas de structure fixe à l’adolescence.

Ainsi, lorsque certains troubles psychopathologiques s’invitent durant le développement de l’enfant (sommeil perturbé, trouble alimentaire, intempérance émotionnelle.. ) cela pourrait alors signifier qu’un tronc d’arbre serait simplement tombé et venu bloquer la route de l’enfant qui ne peut plus avancer ou avancer de façon aussi fluide qu’auparavant.

Les parties ne seraient nullement dissociées chez l’enfant, elles seraient plutôt entravées dans leur mise en lien les unes aux autres, impactant ainsi à terme la construction harmonieuse du MOI.

Les Parties transgénérationnelles et tutélaires prendraient alors le dessus sur les parties originelles de l’enfant et empêcheraient leur activité naturelle et globale d’agrégation au cours de leur développement.

 

Comment relancer harmonieusement le développement de l’enfant ?

 

La dissociation, ce trouble invisible

 

Continuons avec la métaphore cancer/trauma. Le traitement du cancer se réalise à différent stades de la maladie. Parfois tardivement lorsque les symptômes se sont révélés et que le patient témoigne de douleurs. Parfois, par chance, au décours d’un autre examen fortuit, une métastase, qui s’était faite silencieuse jusque-là, apparaît sur la radio et exprime toute sa dangerosité une fois la biopsie réalisée et confirmant le diagnostic. Le patient peut être soigné à temps.

Beaucoup de personnes vivent (ou survivent) avec leur maladie, leur trauma. Et lorsqu’ils ont l’habitude de les porter en eux, voire même de souffrir avec, cela devient commun et avec l’habitude, cela peut même devenir difficile à identifier pour eux.

Lorsque les traumatismes sont devenus invisibles, ils se transmettent plus insidieusement, de génération en génération.

Et ce sont finalement peut être grâce aux symptômes bruyants de la génération suivante, à travers leurs enfants, qu’ils ont une chance de se révéler plus facilement un jour au décours d’une consultation chez un psychologue.

À travers leur symptomatologie, les reliquats de ces traumatismes transgénérationnels parentaux ont parfois parcourus plusieurs générations avant de se déposer sous forme de symptôme clinique sur l’enfant.

Lorsque la question est effectivement de nature transgénérationnelle, c’est la raison pour laquelle un parent qui consulte pour son enfant verra une amélioration substantielle du trouble de son enfant avant même que ce dernier ne soit vu en consultation. En effet, lorsque le parent exprime auprès du thérapeute les difficultés qui l’occupe vis à vis de son enfant, ces problématiques se replacent immédiatement au bon endroit et se désolidarisent par la même de l’enfant qui se voit soulagé de ce poids qu’il portait à son insu et surtout à la place de son parent.

Mais certains cancers métastasent si vite qu’ils se déplacent vers d’autres surfaces corporelles et attaquent plusieurs organes à la fois. C’est peut-être ce que l’on nomme un tableau clinique ou syndrome en psychologie. Cette maladie qui se diffuse, si elle n’est pas soignée à temps, vient contaminer de plus en plus les parties qui étaient jusque-là encore saines.

Le trauma traduit ainsi une dynamique identique à la maladie cancéreuse en empruntant des chemins similaires, délétères sur le plan psychique.

Les croyances négatives s’agglomèrent progressivement pour former de nouvelles blessures, lesquelles font place spontanément à d’autres traumatismes à venir. Et c’est ainsi de suite que les traumas se répètent sans que l’on ne sache véritablement comment s’en protéger.

Si nous avons des scanners, des prises de sang, et des contrôles médicaux réguliers dans nos société modernes pour détecter précocement certaines maladies organiques et les soigner à temps, il n’en va pas toujours de même pour le psychisme.

La pratique clinique EMDR intervient essentiellement sur les traumas qui s’expriment visiblement et affectent directement le sujet, quelles que soient leur étiologies et voies d’entrée sur la personne.

Aussi, identifier les Parties saines et les distinguer des parties traumatiques au tout début de leur avènement, qu’elles aient été vécues directement ou indirectement, issues de notre génétique, hérédité, ou héritées plus tardivement de notre environnement, permettrait d’assurer une prévention efficace auprès des enfants.

 

Utiliser des outils alternatifs comme l’histoire narrative

Comme nous l’avons vu précédemment, lorsque les enfants se construisent, ils sont nécessairement en construction d’un MOI multi factoriel et principalement en lien avec leur environnement.

Le travail thérapeutique, conceptualisé par Marie France Gizard, formatrice experte EMDR enfant, en atteste bien.

A partir de « l’histoire narrative » co-construite avec le thérapeute et les parents en direction des enfants d’âge préverbal et/ou ayant vécus des traumas à un âge précédant le langage, cet exercice thérapeutique montre combien les enfants ont besoin de la parole parentale pour mieux appréhender leur histoire et combler ainsi des espaces vides en eux.

En d’autres termes, cet exercice qui permet de reprendre l’histoire de l’enfant avec des mots choisis, fait du lien et donne du sens aux expériences passées auxquelles l’enfant n’a pas pu avoir accès, faute de compétences cognitives suffisantes pour lui à l’époque préverbale.

Cette remise en mots de l’histoire de l’enfant lui permet ainsi de réparer ou en d’autres termes de combler ce qui faisait préalablement impasse psychique dans l’esprit de l’enfant et participe ainsi à la consolidation de son MOI.

Ses figures tutélaires (parentales) le constituent pleinement au même titre que d’autres influences qu’il vivra par la suite durant son enfance.

C’est donc à travers le vécu, la sensibilité et les mots des parents, guidés et accompagnés par le Thérapeute, que l’enfant se construira plus harmonieusement, à la suite de l’élaboration adaptée de son trauma.

Si l’on reste sur ce paradigme explicatif de la co-construction identitaire chez l’enfant, chaque trouble psychologique pourrait être l’expression d’un traumatisme direct ou indirect (vicariant), transmis de façon génétique, héréditaire / tutélaire ou acquis de façon transgénérationnelle.

A ce stade, l’enfant se voit dans tous les cas ralenti dans ses apprentissages et dans la résolution de certains de ses conflits psychologiques. Les parties délétères innées et acquises s’agglomèrent sur le MOI de l’enfant, telles des cellules cancéreuses se diffusant sur d’autres organes.

Si l’on ne peut malheureusement pas intervenir pour le moment sur la génétique et l’hérédité, il convient donc de porter une attention toute particulière à la transmission des reliquats transgénérationnels afin de les traiter prioritairement chez l’enfant et de libérer dans le même temps les parties intrinsèques et saines, propres à l’enfant, celles-là même qui l’aideront par la suite à se consolider.

 

Chaque Partie Émotionnelle (PE) a son identité et doit retrouver sa place dans son génogramme

Les apports d’Hélène Dellucci, avec son approche par le génogramme* nous serait dès lors d’une aide considérable, pour accompagner les enfants dissociés et procéder à « cette chirurgie précise » sur les cellules cancéreuses repérées.

Le génogramme* correspond à un diagramme décrivant l'histoire des comportements (comme le divorce, l'avortement ou le suicide) d'une famille sur plusieurs générations.

Il peut se décliner sous forme de schéma similaire détaillant les antécédents médicaux d'une famille, évaluant le risque de développer une maladie pour un membre de la famille.

De la même manière, le génogramme pourrait trouver des ajustements pour nous aider à repérer les Parties Émotionnelles de nature transgénérationnelle et les croyances négatives qui leurs sont associées, lesquelles auraient pu se diffuser sur l’enfant.

Tous les cliniciens EMDR ou issus d’une approche intégrative, s’accordent à dire qu’un enfant ne s’élève pas seul et que c’est tout le système (familial) qu’il faut traiter bien souvent.

Parallèlement, chaque croyance négative dispose d’un mécanisme défensif sous tendu par une PE qui ne s’exprime pas toujours spontanément.

Aussi, l’élaboration et l’analyse du génogramme de l’enfant nous permettraient de repérer les PE et les croyances qui leur sont associées, ces dernières appartenant aux parents, grands-parents, frère, sœur, maîtresse, amis … indépendamment de l’enfant, mais qui, à terme, vont finir par le constituer.

Parallèlement, le travail préparatoire d’analyse des ressources et des problématiques de l’enfant peut particulièrement bien s’établir en amont grâce aux outils élaborés par Annie Delplancq : avec le jardin secret pour les enfants et/ ou le ruban de vie pour les adolescents.

J’ai, pour ma part, utilisé ces supports à maintes reprises pour établir un plan de traitement puis affiner le plan de ciblage auprès de mon jeune public. Car en y ajoutant le repérage des croyances positives (symbolisées par des papillons) et négatives (symbolisées par des abeilles) de l’enfant et de l’adolescent (cf. Article EMDR enfant et ado), le matériel clinique à retraiter devient plus complet encore.

À partir de l’ensemble de ces éléments repérés à l’aide du jardin Secret et/ou du ruban de vie de l’enfant et de la collecte d’informations anamnestiques parentales en amont, le génogramme de l’enfant pourrait prendre peu à peu forme.

Il aurait pour visée la mise en évidence des PE actives et des croyances délétères qui leur seraient associées, agissant négativement sur l’enfant.

 

De l’importance de repérer l’étiologie des PE chez les enfants

 

Ce génogramme, outre sa fonction d’identification et de potentielle distinction entre les PE appartenant à l’enfant et celles reléguées au registre transgénérationnel, permettrait ainsi d’éviter que ces PE délétères ne façonnent l’enfant de façon inadaptée au cours du temps et active en lui une mauvaise perception de lui-même.

En intégrant cette nouvelle question transgénérationnelle dans le débat sur les parties dissociées des enfants, il devient intéressant de s’adresser à elles prioritairement lorsque l’on travaille sur le matériel clinique traumatique.

En effet, l’expérience clinique montre combien la levée de symptômes s’avère très rapide et efficace dans le contexte transgénérationnel, en comparaison des symptômes plus directs ou intrinsèques au sujet.

En revanche, qu’elles soient de nature personnelle ou transgénérationnelle, plus les croyances négatives s’activent et perdurent dans le temps, plus elles façonnent l’individu et le conduise à faire des choix allant dans le même sens, renforçant ainsi immanquablement l’idée erronée du point de départ et constituant ainsi un véritable biais cognitif pour lui par la suite : cette fausse croyance sera authentiquement ressentie comme vraie, et deviendra dès lors plus difficile à modifier par la suite.

C’est généralement ce qui se fait le lit du terrible manque de confiance en soi, sans trop savoir d’où il vient, pour ne citer que cette conséquence.

 

Exemple clinique

Je me souviens notamment de cette patiente d’environ 40 ans ne parvenant plus à conduire sa voiture, craignant de causer un accident mortel à qui croiserait sa route. Elle perdait totalement ses moyens rien qu’à l’évocation de la conduite.

Lorsque nous avons établi son plan de traitement, j’appris rapidement que sa mère était née dans des conditions hors normes : en effet, sa grand-mère maternelle avait dû être plongée dans le coma durant 5 mois pendant sa grossesse, par suite d’un accident de moto causé par un automobiliste lorsqu’elle était enceinte de 4 mois.

La grand-mère maternelle fut tout juste réveillée de son coma pour accoucher. A l’évocation de l’histoire de sa mère et de sa grand-mère, ma patiente ne pouvait contenir ses larmes. Elle ressentait dans son corps les reliquats sensoriels de cette histoires transgénérationnelle et avait pris en héritage le manque de confiance en soi, dû à la perte de contrôle du véhicule durant l’accident de son aïeule, se confondant avec elle.

Lorsque la croyance négative en lien avec le trauma (accident) de sa grand-mère a été identifiée, nous avons pu procéder au retraitement de cet événement traumatique, issu de cette PE transgénérationnelle, et qu’elle avait maintes et maintes fois imaginé comme lui appartenant personnellement : « je n’ai pas le contrôle ». Après deux retraitements ciblés, ma patiente a enfin pu reprendre volant.

Cet exemple clinique montre combien il est important de repérer précocement ce qui appartient au transgénérationnel avant que cet historique ne finisse par devenir sien.

Car au fil du temps, alors que cette croyance se sera ancrée profondément du fait de l’action des hippocampes, le travail d’intégration mnésique se façonnera jusqu’à s’inscrire dans l’identité. Ma patiente me fera part à ce sujet après retraitement en EMDR : « finalement je me rends compte que cette histoire n’était pas la mienne, mais je la ressentais en moi comme si c’était moi qui avais subi toute cette épreuve, jusqu’à m’empêcher d’avoir confiance en moi pour conduire ».

Alors bien sûr avec les techniques d’EMDR classiques associées au génogramme d’Hélène Dellucci à l’âge adulte, ces idées peuvent progressivement être critiquées et remises à la bonne place, même vingt ans après.

Seulement, le temps a quand même passé pour ma patiente, et si nous pouvons intervenir précocement sur ces idées erronées, l’enfant s’en portera bien mieux plus vite et disposera plus rapidement d’un MOI plus harmonieux et serein pour se construire dans son identité et démarrer sa vie future d’adulte.

 

Les apports thérapeutiques du Conte et de l’Emdr auprès des enfants dissociés

 

Les parties dissociées des enfants ne sont donc probablement pas toutes les leurs propres et semblent bel et bien se composer, en partie, des reliquats traumatiques de PE parentales ou autre.

Dans le cadre de la thérapie EMDR, nous travaillons séparément à retraiter ce qui concerne les questions parentales et celles des enfants, parallèlement ou à distance dans le temps les unes après les autres.

Pourquoi ne pas intégrer directement ce modèle dans le traitement de l’enfant ?

 

Adaptation du cadre thérapeutique pour travailler sur les parties émotionnelles (dissociées) des enfants

 

  • Identifier les Parties Émotionnelles et les croyances de l’ensemble familial puis les inscrire dans le génogramme de l’enfant

Une première consultation parentale permet d’identifier les traumas et croyances négatives sensations qui leurs sont associées et … relatives aux parents, fratrie, grands-parents, etc..

J’utilise ce matériel clinique en l’intégrant dans le génogramme global de l’enfant qui aidera à constituer le plan de traitement et de plan de ciblage de l’enfant, par la suite.

 

  • Utilisation la salle des mots doux (adaptée pour les enfants et issue de la Table de Fraser ou de la salle diplomatique).

Je travaille avec la Table de Fraser classique ou la salle des mots doux en fonction des besoins personnalisés des enfants. La table de Fraser offre un accès plus libre aux enfants « créatifs » et/ou en difficulté avec les consignes trop rigoureuses, tandis que la Salle des mots doux, de forme plus structurée, s’adressera davantage aux enfants « angoissés et/ ou présentant un mutisme partiel », lesquels ont besoin d’être guidés. (Cf. Article la salle des mots doux).

Il s’agira d’évaluer l’identité des parties émotionnelles en dialoguant avec elles au sujet de leur âge, fonction dans le groupe, lien de parenté, compétences, désirs. besoins, manques … comme l’énoncé Fraser, car il est essentiel de cerner leur identité propre pour avoir davantage accès par la suite aux difficultés et croyances négatives qui peuvent leur être associées, et auxquelles elles se voient confrontées.

 

  • Compléter les croyances négatives et les intégrer au génogramme familial de façon interactive.

Lorsque des Parties émotionnelles se sont exprimées grâce à la Table de Fraser ou en salle des mots doux, les croyances négatives ont pu s’exprimer plus librement.

Je peux ainsi les intégrer de façon interactive au génogramme de l’enfant et compléter son système familial. Rapidement les liens s’établissent et les reliquats transgénérationnels apparaissent plus clairement. Il devient plus aisé de repérer la façon dont se sont transmises les croyances Positives comme négatives au sein de la dynamique familiale et ainsi d’identifier quel chemin elles ont emprunté.

 

  • Établir une stratégie thérapeutique

En fonction des Parties Émotionnelles de l’enfant, des dynamiques et transferts de croyances négatives repérées sur le génogramme familial, il devient intéressant d’établir une stratégie thérapeutique en définissant les outils les plus adaptés, en combinant parfois le conte thérapeutique*, le récit narratif* et l’histoire narrative*. Ces trois outils auront une forme quelque peu différente mais auront la même visée thérapeutique.

Le conte thérapeutique* est une histoire ou un conte que le thérapeute choisi en résonance symbolique avec le conflit psychique de l’enfant et dont la visée est de lui faire écho pour trouver une résolution alternative.

Le récit narratif* est un écrit rédigé par un membre de la famille en direction d’un des enfants pour lui raconter son histoire personnelle et l’aider ainsi à mieux comprendre ce qui s’est produit dans sa vie et qui a pu avoir une incidence traumatique directe ou indirecte sur lui, et dont il a pu avoir conscience. Le récit narratif a la même visée que le conte thérapeutique, à la différence que ce sera l’histoire vraie de l’adulte et de l’enfant qui sera évoquée. Le conte est souvent rédigé sur la base de l’histoire d’autres personnages auquel le petit patient peut toutefois s’identifier.

L’histoire narrative*, selon le protocole élaboré par Marie France Gizard, experte EMDR enfant, se construit en collaboration avec les parents et le thérapeute, en direction de l’enfant qui a vécu un trauma alors qu’il n’avait pas encore le langage pour comprendre ce qui lui était arrivé. L’histoire narrative a pour objectif de raconter l’histoire de l’enfant en empruntant les mêmes outils de déguisement et symboliques que le conte thérapeutique. Ainsi des éléments traumatiques difficiles à évoquer de façon réaliste, vont être détournés de leur forme initiale, pour être adaptés à l’âge de l’enfant et ainsi être mieux appréhendés et acceptés de lui.

Si les histoires, au sens général du terne, parlent particulièrement bien aux enfants, il parlera d’autant mieux « aux parties émotionnelles / aux parties dissociées ».

 

  • Travailler avec chaque Partie Émotionnelle

Ainsi je propose à chaque Partie émotionnelle qui s’est invitée de s’entendre lire un conte thérapeutique, une partie de l’histoire narrative travaillée en amont avec les parents, et/ ou de coconstruire un récit narratif adressée spécifiquement à cette Partie Émotionnelle, et ce en fonction de ses besoins, afin de renforcer son identité et/ou pour l’aider à se sortir de ses conflits psychiques.

Le conte, lorsqu’il est bien choisi, c’est à dire en résonance symbolique avec la problématique de l’enfant, s’invite à l’intersection du récit narratif et de l’histoire narrative.

Plutôt qu’un accompagnement par le thérapeute lui-même, ce sont les personnages et la trame de l’histoire qui offrent directement ce support et cette fonction pour l’enfant.

 

  • D’autres outils ressources pour les PE

Si l’enfant n’est pas très réceptif à ce type d’outils, il sera alors d’usage de prêter une attention particulière au besoin préalable de stabilisation de la Partie Émotionnelle en difficulté, en faisant appel au renforcement de ressources et de figure symbolique, au Lieu-sûr, à l’Animal totémique, au Personnage héroïque …

 

  • Exemple thérapeutique

Prenons l’exemple du génogramme de Suzanne, âgée de 12 ans, qui m’est adressée pour angoisse de séparation. Elle ne peut se rendre chez ses cousines ou amies pour aller dormir chez elles sans ses parents.

 

 

Si l’on s’interroge dans un premier temps sur la transmission des parties émotionnelles PE et croyances négatives associées de génération en génération, du côté uniquement maternel pour simplifier : nous pouvons repérer que certaines d’entre elles ont pu être traitées et finissent ainsi leur propagation délétère à la seconde génération : Mona, la mère, a soigné son problème d’estime d’elle-même en travaillant dur et en se prouvant qu’elle était aussi capable que son frère sur le plan professionnel. Elle peut encore éprouver un léger complexe d’infériorité par rapport aux hommes de sa famille (son père et son frère) mais cela ne l’empêche aucunement de performer et d’accompagner ses filles vers la réussite scolaire. Ce nœud psychologique s’est progressivement dénoué et n’a pas eu d’incidence sur ses filles par la suite.

En revanche, lorsque deux registres de croyances négatives se font collusion, (sécurité et contrôle) ils ont tendance à fusionner et se transmettre plus nettement sur les enfants. Noémie, sa fille aînée l’exprimera par la phobie de l’avion et Suzanne, la cadette la manifestera sur le mode de l’angoisse de séparation.

Il est également noté une surprotection (angoisse de mort) de la part de Suzanne envers sa plus jeune sœur Valentine. Notons à ce sujet que Valentine est née après un long parcours de PMA, plusieurs fausses couches et une IMG. Leur mère Mona, en revanche, ne projette pas sur sa benjamine d’angoisse à ce sujet.

Suzanne se comporte comme « une petite maman » envers sa plus jeune sœur Valentine, comme Mona l’avait également fait envers sa propre mère (la grand-mère maternelle) souffrant de polyarthrite, lorsque Mona était enfant et, ce durant toute son adolescence.

Dans le contexte du génogramme simplifié de Suzanne, nous pouvons noter une transmission de Parties émotionnelles relevant du registre du contrôle et de la sécurité en lien avec sa mère Mona, l’une d’elle étant probablement aussi originaire d’une partie émotionnelle reliée à la grand-mère maternelle, sur le registre du contrôle. En d’autres termes, Suzanne serait traversée par la PE générationnelle maternelle, elle-même transmise par la grand-mère maternelle.

Lorsque nous travaillons avec les familles, il est essentiel de repérer ces transmissions transgénérationnelles. Car si l’on n’en tient pas compte durant la mise en œuvre du plan de ciblage Thérapeutique, c’est comme si on cherchait des clefs (résolution du conflit) à côté d’un lampadaire à 100m de la voiture, alors qu’on les a entendu tomber dans la voiture, place conducteur (selon l’expression métaphorique de Dietmar Heller, formateur EMDR France-Europe).

Il est donc indispensable de retracer le bon chemin avec l’enfant, mais aussi d’adapter et d’opter pour des outils facilitant leur expression.

J’avais préalablement travaillé sur la problématique de l’angoisse de séparation propre à Suzanne à travers l’expérience thérapeutique de salle des mots doux (salle diplomatique ou table de Fraser). Nous y avions identifié trois parties émotionnelles distinctes: la petite Suzanne, son doudou vache et la grande Suzanne.

Si un premier travail de réunification des parties émotionnelles de Suzanne avait bien été engagé autour du MOI, pour tenter de le reconsolider, associé à du retraitement de plusieurs cibles reliées à sa peur, à l’intérieur de la salle des mots doux, Suzanne n’était pas encore parvenue à se sentir suffisamment en sécurité intérieure pour dépasser son angoisse et retrouver une vie normale auprès de ses amies lors de soirées pyjama.

Comment expliquer cet échec thérapeutique? Le message n’était sans doute pas adressé au bon endroit ! Le symptôme perdurait !

J’ai donc repensé aux croyances négatives se transmettant de poupée russe en poupée russe. Aidée du génogramme traduisant les PE et croyances négatives appartenant aux générations précédentes, j’ai pu retracer les croyances négatives des deux générations précédentes qui se portaient sur la Sécurité, le contrôle et l’estime de soi, comme explicité précédemment sur le génogramme de Suzanne. Si la question de la sécurité au niveau des croyances négatives n’a jamais été traduite au regard des problématiques de la grand-mère maternelle, il semble pourtant que Mona, sa mère, ait porté en elle cette angoisse de la maladie de sa propre mère (la grand-mère de Suzanne) et qu’elle se soit diffusée sous forme d’inquiétude en matière de contrôle mais aussi de sécurité (peur du décès, lié à la maladie polyarthrite).

Aussi, j’ai sollicité l’écriture du récit narratif de la grand-mère en direction de sa fille Mona pour évoquer ce qui lui avait pu faire peur à Mona sa fille quand elle était petite et traiter ainsi le 2eme niveau générationnel.

La grand-mère maternelle portait en effet sa fille Mona dans un porte bébé arrangé de façon artisanale à l’aide d’un foulard, pour la transporter et vaquer plus facilement à ses occupations de vie quotidienne. À l’époque ce système était très novateur.

Perdant parfois l’équilibre, la grand-mère souffrant physiquement pouvait se rattraper. Mona, quant à elle était décrite comme un bébé qui ne pouvait se rassurer qu’au contact de sa mère dans ce porte bébé. Elle sentait déjà probablement les difficultés de sa maman.

Ce dispositif de portage en écharpe aura bien calmé la sensation d’insécurité de Mona vis à vis de sa mère. Car pour un jeune enfant, son parent est le phare dans la nuit noire, il est totalement dépendant de son parent. Si le parent meurt, la survie du bébé sera engagée, et cette sensation philo-génétique est ressentie en chaque être humain au plus profond de ses sensations corporelles. Une fois ce récit écrit par la grand-mère, un retraitement a pu être effectué auprès de Mona sur le modèle du protocole de la Lettre d’Hélène Dellucci, désensibilisant ainsi les reliquats somatoformes reliées aux croyances négatives (sécurité et contrôle). Ce premier niveau de problématique transgénérationnel aura donc pu être assaini et retraité grâce au récit narratif de la grand-mère.

Puis, je me suis occupée de façon plus personnelle de la 3me génération en travaillant auprès de Mona en direction de sa fille Suzanne. J’ai ainsi demandé à Mona d’écrire un récit narratif à sa fille cadette Suzanne afin de lui expliquer ce qu’elle avait vécu quand elle était elle-même enfant : le problème physique de la grand-mère maternel, la relation qu’elles entretenaient ensemble à l’époque, et la manière dont elle voit aujourd’hui sa propre fille Suzanne. Ce récit narratif fut retraité auprès de Suzanne de la même façon que précédemment, sur le modèle du protocole de la lettre d’Helene Dellucci. À la suite de ce récit narratif, qui a permis de remettre les éléments de l’histoire familiale à la bonne place, la propagation de la croyance négative selon laquelle on manque de contrôle et de sécurité s’est apaisée. Par la suite, Suzanne a enfin réussi à dépasser ses peurs et a pu aller dormir chez ses cousines sans crainte.

 

Les apports spécifiques du conte thérapeutique auprès des Parties Émotionnelles

 

  • Offre Structure et Cadre

Je comparerai volontiers les enfants à une forêt vierge et les adultes à un jardin plus structuré parfois à la japonaise, ou à l’anglaise, voire à la Française… métaphores qui permettent de comprendre combien les enfants sont en construction et manquent de structure psychique par rapport aux adultes.

Leurs défenses sont polymorphes et instables. Elles chahutent et se transforment régulièrement d’une séance à l’autre se faisant l’écho de la plasticité cérébrale bien connue chez les jeunes enfants.

Le conte apporte ainsi cette structure au même titre que le thérapeute en séance.

 

  • Transmet des messages

Le conte, outre son support et la structure qu’il apporte durant la séance (écoute et interaction possible entre l’enfant et le thérapeute autour d’un thème) est également un médiateur symbolique hors pair, un messager prudent et complice du thérapeute qui parviendra parfois à se frayer un chemin parmi les défenses psychiques de l’enfant et trouver écho en lien avec son histoire et ses conflits internes.

 

  • Stabilise le MOI

Les métaphores, le registre symbolique, les figures substitutives émotionnelles et sécurisantes que le conte permet de diffuser, sont autant d’outils renforçateurs et générant une plus grande stabilisation dans les interstices du Moi.

Les messages que diffusent le conte auprès de l’enfant et de ses parties émotionnelles ont une fonction consolidante et drainante des mouvements internes de l’enfant.

 

  • Facilite le lien et la communication avec les Parties émotionnelles enfouies

Le conte permet aussi de communiquer avec les portes de l’inconscient : ces parties émotionnelles plus enfouies et auxquelles la table de Fraser et la salle des mots doux nous ont donné un accès privilégié. Chaque conte peut ainsi s’adresser de façon plus ciblée à chacune d’entre elles et permettent aux autres d’en profiter également.

 

  • Renforce la dimension de groupe familial interne

Chaque Partie Émotionnelle peut donc se voir attribuer une histoire qui lui est destinée de façon plus personnelle, et choisie en amont par le thérapeute pour son pouvoir protecteur et renforçateur.

Voici la façon dont je procède : je fais préalablement le listing des propositions que j’adresse ensuite ouvertement chaque Partie.

Je demande à tout le groupe, c’est à dire à toutes les Parties qui composent le groupe familial interne (chaque partie émotionnelle du MOI qui aura été identifiée en salle des mots doux), de se concerter pour définir l’histoire qui sera racontée à l’ensemble du groupe. Les parties discutent entre elles, se concertent pour définir ensemble de façon consensuelle l’histoire qui sera choisie et lue par le thérapeute, histoire attribuée à la partie Emotionnelle qui en aura le plus besoin.

Ce travail préparatoire de concertation est essentiel car il assure à lui seul une opération de re-liaison entre les PE.

Lorsque l’on travaille avec les PE adulte, le thérapeute interroge plus directement les liens qui les unissent et comment elles s’entendent entre elles, mais avec les enfants cette façon de procéder peut apparaître trop directe, plus délicate et parle moins aux plus jeunes.

Partir de la concertation pour se mettre d’accord sur une histoire et expliquer les raisons de ce choix en les faisant se parler entre elles apparaît ici comme une stratégie plus efficace et aboutissant au même objectif que pour les adultes : l’effacement des limites entre elles et la réunification des PE entre elles pour faire grandir et stabiliser le MOI dans son ensemble.

 

Un conte pour chaque PE : exemple théorique

Je propose à l’enfant bien stabilisé de convoquer son lieu de rencontre ou sa salle des mots doux pour inviter les Parties émotionnelles à se présenter pour la lecture du conte.

Les PE préalablement identifiée ont maintenant un prénom, ou un symbole et peuvent prendre la forme d’un dessin, de Playmobils, d’une image créée ensemble via l’IA etc.. pour plus de clarté et d’esprit ludique.

Nous réunissons tous les personnages, je parle toujours directement à l’enfant pour qu’il communique avec ses parties internes personnellement.

Imaginons que soient rassemblées autour de Judith, âgée de 12 ans :

  • la PE qui a peur de tout, tout le temps : « Peureuse »,
  • la PE petite de 4 ans qui a peur de rester seule : « Tristesse »,
  • la grande PE championne d’art Martiaux de 15 ans qui n’a peur de rien et veut en découdre avec tout ce qui bouge : « Coup de poing »,
  • la PE qui ne voit pas le temps passer et qui a peur de ne pas suffisamment en profiter : « Mémoire ».

Je propose à « Peureuse » de lui lire le conte de « Burt » petit oiseau rigolo qui avait peur de sauter mais qui va trouver en lui des ressources pour y parvenir. Je demande à Judith d’expliquer à Peureuse l’intérêt de ce livre pour elle et de demande aux autres PE ce qu’elles en pensent.

Je propose ensuite le conte « le fil invisible » à Tristesse, conte qui permet de travailler sur la permanence de l’objet ou en d’autres termes de rendre visible ce qui vient à manquer même en l’absence de l’être aimé à travers des stratégies symboliques et des ressources que ce livre traite à merveille. De la même façon que précédemment, je propose à Judith d’expliquer le sens de ce choix adressé à Tristesse, de donner son avis et de faire participer également les autres membres du groupe interne ce sujet.

Vient ensuite le conte d’Argnouk destiné à la PE prénommée coup de poing. J’explique à Judith que Coup de poing a peut-être besoin aussi de comprendre d’où vient sa colère et que ce conte lui permettra de prendre de la distance par rapport à tout ce qui peut lui donner envie d’en découdre et lui offrira d’autres options pour se sentir plus apaisée au quotidien. Judith aura pour mission de passer le message et de récolter la réponse de la principale intéressée et des autres PE à ce sujet.

Enfin concernant la PE mémoire, plutôt qu’un conte thérapeutique j’opte pour la technique de l’appareil photo, permettant de mieux visualiser et de capturer mentalement les instants que l’on souhaite conserver en soi comme de fabuleux trésors grâce à l’implémentation de cette ressource avec les SBA lentes, héritées de la technique EMDR. Un mot clef permettra, une fois reconvoqué par la PE de retrouver les sensations agréables dans le corps, dans le cœur et dans l’esprit. Judith propose cela à la PE et demande l’avis aux autres PE du groupe interne comme précédemment.

Une fois les propositions de contes et d’outils thérapeutiques proposés à chacune des PE, elles doivent se concerter encore une fois et définir la PE qui a le plus grand besoin de ce soutien aujourd’hui.

Les PE peuvent aussi donner leur avis sur le choix de lecture, la critiquer, mais aussi en proposer une autre ou au contraire décider que c’est à chacune son tour.

Un consensus est nécessaire de même qu’une explication de la part des parties pour s’assurer de l’intérêt commun à toutes vis à vis de ce choix.

Une fois le choisi, toutes les PE écoutent d’une seule oreille et cette réunion autour du conte thérapeutique aura pour vertu de rendre plus solidaire le groupe.

Car rappelons que dans le cadre de la dissociation nous cherchons à réunir les PE entre elles et à les faire communiquer les unes avec les autres pour une plus grande harmonie interne.

Dès que l’exercice est terminé, la PE à qui s’adressait principalement la séance donnera son sentiment et la parole sera par la suite donnée à chacune des parties pour en discuter toutes ensemble.

Nous aborderons la morale du conte, son sens, son intérêt.

Si la Partie Émotionnelle ne sait que répondre, je sollicite toujours, par l’intermède de la PAN de l’enfant (Judith), les autres PE pour qu’elles donnent leur avis sur le bien fait ou non de cette lecture pour la PE concernée.

Je complète ensuite le génogramme : si notamment de nouvelles pensées et croyances négatives apparaissent, les sentiments associés, de nouvelles idées.. de sorte qu’à la Séance suivante se construise et se dessine un fil conducteur au travail thérapeutique avec les PE.

Je débute alors avec le patient un suivi qui nécessitera prudence et rigueur par la suite. Car ce n’est plus d’une seule thérapie dont il s’agit et que je mène auprès de l’enfant, mais bel et bien plusieurs en simultané auprès de chaque partie qui compose le MOI dissocié de l’enfant.

 

Exemple clinique

Revenons sur la situation d’Aliénor, âgée de 10 ans, qui ne peut parvenir à dormir seule. Elle est la seconde d’une fratrie de deux filles, et voue une admiration sans faille à sa grande sœur de 7 années son aînée et qui assure depuis fort longtemps une fonction symbolique d’étayage pour elle, pour ne pas dire de substitut maternel. Non pas qu’elle manque d’amour de la part de ses deux parents.

Bien au contraire, c’est probablement l’excès d’amour et d’attention qui crée en Aliénor cette angoisse abandonnique qui prend toute son apogée la nuit. Comme le formule ses parents, Aliénor devient un véritable petit tyran, surtout depuis que sa sœur aînée est partie du domicile familial pour faire ses études il y’a trois ans.

Après de très nombreuses séances parentales et individuelles avec Aliénor, conjuguant tous les trésors thérapeutiques que nous, thérapeute, avons à notre disposition (entretien cliniques, ciblage et retraitement de scène traumatique et de cauchemars, mise en place de la salle des mots doux, …) nous avons convenu de coconstruire une histoire narrative pour lui permettre de faire sens à ses craintes d’une part, mais aussi aux nombreuses ressources qu’elle a sa disposition et dont elle ne fait pas usage par ailleurs :

« Alors, souviens toi que oui : la petite fille cane a plus d’un tour magique dans son sac : elle se souvient de tout ce qu’elle a appris et sait maintenant faire sans Julicane, sans maman Cane, et sans papa Canard.

Toute seule, elle improvise des danses comme un cygne sur des grandes musiques qui viennent de la forêt, faut vraiment être créative pour ça !

Toute seule, elle est capable d’aller dormir chez un copain dans un autre nid, faut être vraiment courageuse pour ça !

Toute seule, elle est capable de faire ses devoirs d’école, d’apprendre au conservacoincoin à faire du solfège, et à jouer de la coin coin qui sonne, à appuyer avec ses pattespalmées sur son piano endiablé, faut être vraiment autonome pour ça!

Toute seule, elle sait être patiente, faire des puzzles de 100 pièces, dessiner des magnifiques mésanges huppées, faut être vraiment persévérante pour ça.

Elle apprend aussi à avoir des responsabilités au théâtre : alors toute seule à l’entrée des spectateurs, c’est elle qui déchire les billets, faut vraiment se sentir forte à l’intérieur de soi pour ça!

Sans oublier le câlin papillon qui transforme les mauvaises herbes en belles fleurs dans sa tête, faut être vraiment super entraînée pour ça! »

Alors avec sa créativité, son courage, son autonomie, sa persévérance, son entrainement et sa sécurité intérieure, la petite cane commence à grandir, grandir, grandir et n’a maintenant plus besoin de demander à sa sœurette cane de faire des tic toc toc pour se rassurer, ni de demander à sa maman de parler encore et encore et de réciter le chant du coq pour rester éveillée. Elle adore maintenant fermer les yeux et repenser à tous ses pouvoirs magiques et aux belles choses qu’elle peut faire avec, quand elle est enfin seule ».

Cet outil, malgré sa puissance systémique et implicite n’aura pas non plus fait céder ou même atténué cette résistance évidente à grandir pour Aliénor, les bénéfices secondaires à rester la nuit avec ses parents perdureront à la suite de cet immense travail réalisé par la famille.

Face à de telles difficultés thérapeutiques, mon regard se tourne à nouveau vers le contenu de l’exercice de la salle des mots doux que nous avions engagé ensemble précédemment et je m’interroge sur ce qui aurait pu manquer à ce sujet.

Lorsque les parties se sont manifestées durant l’exercice, j’ai proposé de lire le conte qui traite de la permanence de l’objet : le Fil invisible.

Je me suis adressée à Aliénor (sa PAN qui correspond à sa partie fonctionnelle au monde) sans référence spécifique aux différentes PE qui pouvaient être sous tendues en elle.

Si l’on s’en tient maintenant à la notion de PE transgénérationnelle et tutélaire, il est entendu que la PAN d’Aliénor n’était pas véritablement réceptive au sujet. Cela aura même probablement mis à mal ses défenses psychiques et consolidée l’idée selon laquelle elle ne doit pas se séparer de ses figures parentales. Il s’agit donc de s’adresser aux PE de l’enfant plutôt qu’à sa PAN, sinon le risque est effectivement de faire chou blanc.

Je me réinterroge sur les croyances négatives de sa PE Ourse et de celle du mouton bleu?

Au moment des entretiens cliniques personnalisés avec chacun des parents j’avais pu entrevoir que le père d’Aliénor craint que sa fille ne puisse jamais se développer normalement et finisse par devenir folle.

Quant à sa mère, elle craint de ne pouvoir protéger sa petite fille des colères irascibles de son mari et de la terreur qu’il génère parfois sur leur fille.

Voici deux nouvelles problématiques que nous pouvons dès lors aborder auprès des PE d’Aliénor en salle des mots doux.

Attablés tous trois, je propose à Aliénor qu’elle s’adresse à sa PE ourse en lui proposant de choisir avec l’aide du groupe l’un des livres parmi deux que j’ai choisis préalablement. Je lui demande d’expliquer à sa PE ourse qu’elle a probablement peur de ne pas bien protéger ses petits et que j’ai trouvé des livres pour la rassurer à ce sujet.

Je sollicite ensuite Aliénor auprès de la PE mouton bleu et lui propose trois autres livres qui lui seraient davantage destiné. Je demande à Aliénor de s’adresser à la PE mouton bleue en lui expliquant qu’il a montré un certain manque de tolérance envers le comportement parfois marginal de ses petits et qu’il craint souvent qu’ils ne soient pas normaux. Il existe des livres qui peuvent lui expliquer ces différences et ces particularités, ce qui pourrait l’aider lui aussi à se rassurer à ce sujet.

Ensuite je propose qu’une discussion s’engage entre les parties composées de l’ourse, du mouton bleu et la PAN d’Aliénor afin de déterminer qui aura le plus besoin qu’on lui lise son histoire.

Je me mets à l’écart pour plus d’intimité entre les parties qui conversent ensemble à ce sujet jusqu’à ce qu’un consensus puisse s’établir.

Aliénor m’indique bientôt que le 1er choix de livre s’est porté sur la maman des poissons qui cherche auprès de plusieurs autres animaux la meilleure façon de protéger ses œufs. Elle finira par comprendre qu’elle peut les placer au creux d’un petit corail douillet en toute sécurité.

Ce conte a en effet pour intérêt, en dehors de rassurer la PE maternelle qui agit de façon transgénérationnelle sur Aliénor, de montrer à l’enfant qu’une maman sécurisée offre un lieu tout autant sécurisé à ses petits. Aliénor s’est montrée particulièrement enthousiaste et réceptive à la lecture de cette histoire et a commencé à se détendre. J’ai ensuite fait converser toutes les parties entre elles comme s’il s’agissait d’un entretien clinique systémique.

Puis, je sollicite la PAN d’Aliénor pour choisir un nouveau livre toujours avec l’aide de ses comparses. La consigne est ainsi rappelée : souviens toi que vous devez tous vous mettre d’accord sur le livre qui sera le plus utile à l’ourse ou au mouton bleu et tout le monde doit être d’accord.

Aliénor m’indique « le chat méchant », lecture adressée au mouton bleu, et qui explique combien une personne peut être irascible si elle a mal quelque part. Le mal ou en d’autres termes la mauvaise attitude peuvent s’expliquer et donner un nouvel aperçu de l’attitude de l’enfant. Rappelons que la PE tutélaire paternelle incarnée par ce mouton bleu craint que sa fille, par ses comportements tyranniques le soir au moment du coucher ne devienne ingérable et finisse par devenir folle. Entendons ici (me rendre fou).

À la lecture de ce livre, Aliénor est également très intéressée et rit beaucoup à toutes les occasions que je ne manque pas pour interpeler le mouton bleu sur ses contradictions : « ah oui vraiment, vous trouvez que certains comportements sont bizarres chez ce chat mais avez-vous vu de quelle couleur vous êtes ? ».

Dans ce contexte, je pratique des techniques de tissage cognitif, comme s’il s’agissait d’une désensibilisation lors d’un TAI en EMDR, ce qui a pour effet de détendre nettement l’atmosphère et de transmettre à Aliénor et ses deux PE le droit à la marginalité comportementale et la nécessité d’en comprendre l’origine.

Ce sera ensuite le livre « je ne suis pas comme les autres », toujours adressé à la figure tutélaire paternelle qui sera de nouveau choisi, comme pour enfoncer le clou et assumer définitivement sa différence.

Et pour finir, « Fourchon », choisi dans la même veine, en direction du père, raconte l’histoire d’une petite fourchette - cuillère qui ne saisit pas exactement sa fonction dans le monde. Elle se sent particulière et cherche une identité auprès des autres. Elle aimerait ressembler à l’une ou l’autre : une fourchette ou une cuillère mais certainement pas les deux en même temps.

Puis finalement, Fourchon, contrainte d’assumer ce qu’elle est, finit par comprendre le sens de sa vie en atterrissant dans les mains d’un bébé.

À cela Aliénor rétorquera spontanément : « mais elle peut aussi servir à des adultes ! ».

Alors que cette histoire était destinée à sa PE tutélaire paternelle, Aliénor s’est ainsi plus facilement identifiée à Fourchon durant la lecture et les parties de son MOI semblent s’être ainsi rassemblées, se manifestant maintenant de façon plus harmonieuse et unifiée.

Le Pari semble avoir été mieux réussi cette fois !

 

Pour conclure

Si les PE associées à des croyances négatives se transmettent via le canal transgénérationnel sur l’enfant, qui dispose d’un MOI encore en construction, il est probable que les ressources positives de ces mêmes PE ont également la possibilité de se diffuser pleinement sur lui, permettant ainsi de traiter certains blocages et conflits internes, que la pratique thérapeutique plus classique ne parvient pas toujours à désamorcer. 

Il conviendra également de repérer et d’implémenter auprès de l’enfant ces ressources positives inhérentes aux PE tutélaires, au même titre que de désensibiliser les croyances négatives qu’elles contiennent. 

Dans la clinique traditionnelle cela reviendrait à dire au parent : « racontez à votre enfant comment vous faisiez pour combattre votre peur et pour vous faire des amis.. au même âge que votre enfant, ainsi il prendra modèle sur vous et pourra tirer bénéfice de votre expérience personnelle. Il imitera vos ressources personnelles et pourra progressivement se les approprier pour qu’elles deviennent progressivement siennes ». 

En reconnaissant que l'identité d'un enfant se construit à travers une interaction complexe entre ses expériences personnelles et les héritages émotionnels de ses parents et ancêtres, il devient possible de mieux cibler les interventions thérapeutiques.

La prise en compte de ces dimensions transgénérationnelles dans le cadre thérapeutique, notamment à travers l'utilisation d'outils comme l'EMDR, le conte thérapeutique et le génogramme, permet de désamorcer ces blocages de manière plus efficace et durable, et évite d’heurter les défenses psychiques.

Ainsi, la thérapie devient non seulement un processus de guérison individuelle, mais conduit à une forme de réconciliation avec les histoires familiales passées, ouvrant la voie à un développement plus harmonieux et équilibré pour l'enfant.