La thérapie EMDR au service des expériences traumatiques de la période périnatale (Grossesse, accouchement, post-partum, parent-bébé, Psy EMDR Paris)

Une thérapie EMDR pour toutes et tous…

Je travaille avec les femmes enceintes, les mamans, les bébés et les papas depuis une quinzaine d’années et si la clinique de la périnatalité est une période sensible, elle se montre aussi particulièrement féconde (émergence anamnestique, réactivation des souvenirs d’enfance…) sur le plan psychique comme l’a montré M. Bydlovsky dans ses travaux cliniques.

Il s’agit d’une période particulièrement propice durant laquelle ré-émergent spontanément les souvenirs d’enfance, qu’il sera possible de retraiter au besoin.

Depuis que j’ai associé l’EMDR à ma pratique de clinicienne, le champs thérapeutique s’en est trouvé particulièrement élargi et prometteur, ce que cet article aura pour visée de mettre en lumière.

Lorsque l’on parle de traumatismes nous avons tendance à les associer, dans la pensée commune, aux atteintes ressenties suite à des guerres, génocides, attentats, et de façon plus individuelle cela appelle le registre des agressions physiques et sexuelles notamment.

Aujourd’hui, pourtant nous savons que de nombreux autres types de traumatismes peuvent hiberner durant des années et émaner de problématiques liées à l’enfance, l’environnement, et les expériences de vie.

Car tout se stocke en mémoire implicite (sensorielle), y compris ce qui n’a pas encore été accompagné du langage. Nous savons par exemple que les bébés pleurent à partir de 28 semaines dans le ventre de leur mère.

Ces sensations physiologiques pré-existantes au symbole (du langage) c.à.d à la narration (récit), sont pourtant bien présentes dans la vie du sujet précoce et coloreront progressivement son identité.

Cette période périnatale apparaît ainsi comme une possible fragilité à laquelle les femmes, les hommes et les bébés vont devoir se confronter et à travers laquelle ils vont évoluer.

Les sources de stress peuvent être intenses durant cette période qui englobe le temps de la grossesse, de l'accouchement et du post-partum, et les traumatismes psychologiques pluriels, notamment en cas de complications obstétricales, de pertes antérieures (fausses couches), d'expériences d'accouchement difficiles, de soucis de santé post- accouchement pour la mère comme pour son bébé.

N’oublions pas non plus les autres membres de la famille (père, fratrie, grands parents. ..), qui peuvent témoigner d’une autre forme de traumatisme appelé « vicariant »*, dans la mesure où ils subissent, eux aussi, impuissants, cette épreuve de vie.

Le trauma vicariant* a été mis en évidence pour la première fois dans l’étude ACE (Adverse Childhood Experiences) entre 1995 et 97 concernant les violences domestiques. Il a été montré que les enfants qui étaient exposés indirectement aux conflits parentaux, éprouvaient le même type de traumatisme psychique que les parents recevant une violence directe.

 

 

Le trauma vicariant constitue donc un traumatisme vécu indirectement par le sujet mais ressenti aux premières loges.

Plus de 30 % des femmes décrivent leur accouchement comme une expérience traumatisante et environ 3 à 9 % des femmes développent un SSPT (Syndrome de stress post traumatique) après un accouchement difficile ou traumatique (complications obstétricales, les interventions médicales inattendues : césariennes d'urgence, la douleur intense, la perte de contrôle, et les expériences de soins perçus comme insuffisants ou maltraitants). D’autres complications peuvent également survenir pendant la période néonatale (soins néonatals pour le nouveau-né ou complications médicales maternelles, y compris des troubles de l’humeur et de l’anxiété ou une psychose puerpérale post accouchement).

A cela s’ajoute parfois en amont les efforts de conception (traitement de l’infertilité, maternité de substitution, processus d’adoption), pendant la grossesse elle-même (grossesse à haut risque, alitement, diagnostic prénatal défavorable accouchement prématuré, complications de la grossesse/du fœtus, humeur et anxiété avant l’accouchement).

L'EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing), thérapie reconnue pour son efficacité dans le traitement des traumatismes psychiques, trouve ainsi toute sa place et son application auprès des femmes, des hommes durant cette période périnatale sensible, technique leur offrant de nouvelles perspectives d’accompagnement.

L’approche EMDR peut s’appliquer aux contextes cliniques suivants en périnatalité :

 

Durant la grossesse

Une grossesse se passe bien la plupart du temps, mais lorsqu’il arrive des événements douloureux tels que des pertes antérieures (fausses couches qui réactivent des angoisses antérieures) ou des diagnostics prénataux préoccupants, des complications graves voire le décès du bébé durant la grossesse, des complications physiques pour la mère… ces événements peuvent laisser des séquelles psychologiques durables sur l’ensemble de la famille.

L’attente d’un diagnostic, la prise de décision difficile face à une IMG et/ou l’impact du choc d’une annonce délicate …convoquent bien souvent un brouillard psychique et une Sidération mentale.

Pendant plusieurs heures, parfois plusieurs jours, le temps s’est comme arrêté et « on se sent comme suspendu par un fil dans le vide sans ne plus rien maîtriser à l’intérieur de soi comme à l’extérieur », m’a t on déjà rapporté.

Les parents associent souvent ce « Temps de latence », à une douleur psychologique insupportable, provoquant parfois dans des cas plus complexes un sentiment de déréalisation / dépersonnalisation (dissociation de la pensée) face à cette vérité trop abrupte, qui leur ai assénée et qu’ils reçoivent comme un coup de poing. Ils sont mis KO.

Dans ce contexte, et parce qu’il est maintenant plus une question de survie face à ce choc plus que tout autre chose, je m’emploie à utiliser l’emdr et ses techniques en vue d’une re-stabilisation émotionnelle. En effet, cet apaisement physiologique, sensoriel et émotionnel, dans un premier temps, est la seule issue possible pour retrouver une once de sécurité interne, nécessaire à la remise en route du corps et de l’esprit. La réflexion reviendra dans un second temps. Pour ce faire, il est question :

  • d’ancrage dans l’ici et le maintenant,
  • de stabiliser les constantes physiques grâce à la relaxation et à la cohérence cardiaque, techniques d’auto-régulation,
  • de proposer des techniques d’exposition et d’oscillation face à ce qui trouble pour dompter ce qui, au premier abord, paraît indomptable,
  • de s’appuyer sur les ressources internes de chacun (qualités personnelles, pensées positives, personnes chères, animaux..)
  • et en déployer de nouvelles (émotionnelles, intellectuelles, figures symboliques aidantes..).

L'EMDR aide à traiter, dans un second temps, c.à.d une fois que le cerveau a pu reprendre ses esprits :

  • les souvenirs perturbants (les récents comme les réminiscences du passé que cet événement traumatique réactive),
  • les idées obsédantes, de même que les anticipations négatives et les scenarii anxieux,
  • les sensations psychiques pénibles associées au douleurs physiques endurées et qui se traduisent comme des douleurs fantômes..,
  • en permettant une reprogrammation cognitive et émotionnelle qui réduit la détresse et les symptômes de SSPT (syndrome du stress post traumatique).

 

Exemple Clinique : l’approche EMDR, un premier pas vers le Deuil Périnatal.

 

Aurélie, 32 ans, primipare, vient me voir en consultation un mois après avoir perdu son bébé (à 24 semaines de grossesse), en raison d'une malformation congénitale non détectée. Cette perte a été soudaine et traumatisante, entraînant une réaction de deuil intense. Aurélie a développé des symptômes de TSPT stress post-traumatique, marqués notamment par :

  • des Troubles du sommeil : Insomnie et cauchemars fréquents,
  • des Réactions émotionnelles intenses : Colère, tristesse profonde, et sentiments de culpabilité, honte et peur, dépression.
  • des Phobies d’impulsion violentes vis à vis des femmes enceintes de son entourage, associées à des sentiments de honte et de détresse après coup.
  • des Flashbacks : Reviviscence des moments autour de la perte et de l'accouchement. Aurelie était seule ce jour là et n’a pas eu le temps de faire appel à quelqu’un pour l’accompagner durant cette épreuve. Des images violentes de cet accouchement prématuré y sont associées et sont restées figées dans son esprit.
  • une Anxiété diffuse et envahissante s’est installée de façon quotidienne : Aurélie a développé une crainte persistante concernant d'éventuelles complications dans ses projets futurs de maternité.

 

Lorsque je vois Aurélie en première consultation, je la freine dans son désir de tout me raconter. Car la répétition des traumas* blesse d’autant plus le cerveau. *Trauma de son étymologie signifie « blessure ». Après plusieurs séances de psycho-éducation, je préfère enseigner à Aurélie des techniques de relaxation et de gestion du stress, telles que la respiration profonde, l’ancrage, et la pleine conscience, les techniques d’oscillation et d’exposition furtive au trauma, pour mieux gérer ses émotions pendant les séances. Car sans cet apaisement et régulation interne au préalable, il nous serait impossible d’approcher les images traumatiques pour les retraiter en EMDR par la suite.

Nous établissons dès lors un plan de ciblage vis à vis de ce deuil impossible à faire pour elle en identifiant chacune de ses problématiques actuelles et en prenant soin de relever la plupart de ses Croyances Négatives sur elle-même telles que :

« Je suis responsable de cette perte », « je suis impuissante », « je ne peux pas supporter ce qui m’arrive » ou encore « je ne serai jamais capable d'être une bonne mère ».

Lorsqu’Aurélie se sent prête et qu’elle maîtrise mieux ses émotions, je lui propose de procéder à un premier retraitement de l’information traumatique.

Je demande à Aurélie de choisir et de se concentrer sur l’un de ses flash-back spécifiques liés à la perte de son bébé, et qui la perturbe le plus, de le décrire en détail et de s’arrêter sur l’image qu’elle considère comme la pire. Aurélie a ensuite pour consigne d’y associer sa croyance négative sur elle même, les émotions et sensations négatives qui accompagnent ce flash traumatique, puis j’effectue devant ses yeux des mouvements oculaires bilatéraux (SBA), tout en la laissant évoluer seule et naturellement dans ses pensées, images, émotions, sensations corporelles…

Au fur et à mesure du processus de retraitement de l’information traumatique, jusque là enkystée en sa mémoire, Aurélie éclaire progressivement ses réflexions de croyances moins rédhibitoires à son sujet.

À mesure que son corps s’apaise, les pensées et les émotions suivent également le même cheminement jusqu’à ce qu’elle soit en mesure de reconsidérer la situation dans son ensemble, puis sous un autre angle de vue, avec un peu plus de distance et de calme intérieur.

Aurélie perçoit de plus en plus loin cette image traumatique puis plus rien elle est maintenant totalement floue à ses yeux. Quelle étrange perception me confie t elle. « Je ne vois plus cette image qui me faisait horreur ! Elle a comme disparu ». Aurélie se surprend ensuite à reformuler ses croyances négatives initiales en des affirmations plus positives, telles que

« J'ai fait tout ce que je pouvais pour mon bébé », « ce n’est pas de ma faute », et pour finir par dire : « Je peut faire face et supporter cette situation ».

Suite à ce premier retraitement de flash-back traumatique et aux suivants qui suivront, Aurélie a progressivement ressenti une réduction de l'intensité émotionnelle associée aux souvenirs traumatiques.

Les flashbacks et les cauchemars ont diminué en fréquence et en intensité. La vie n’est maintenant plus figée.

Aurélie sait mettre à distance ses phobies d’impulsion et ne craint plus de passer à l’acte. Elle esquisse même parfois un sourire face à cette imagination aussi fertile qu’elle sait maintenant critiquer avec distance.

Des séances de suivi ont été planifiées pour surveiller ses progrès et ajuster les interventions au besoin.

La thérapie EMDR s’est espacée. D’une fois par semaine, nous sommes passées à un rdv tous les quinze jours puis une fois par mois.

Durant ce processus thérapeutique de six mois environ, nous avons noté une nette diminution de la culpabilité et une meilleure acceptation de sa perte de son bébé. L’évocation de son souvenir n’est plus aussi douloureux. Elle se rappelle les moments de grossesse qu’elle a partagé avec lui et ses petits bonheurs furtifs. Elle lui a donné un prénom et le fait vivre paisiblement dans son cœur.

Aurélie maintenant apaisée, s’autorise à penser de nouveau à l’avenir.

 

Autour de l'accouchement

 

L'accouchement est souvent décrit comme l'un des moments les plus intenses et transformateurs de la vie d'une femme. Les cliniciens parlent d’une seconde adolescence au moment où la femme devient mère à son tour ! Elle mue pour la seconde fois et emprunte une nouvelle peau.

Cependant, pour certaines femmes, cette expérience peut se transformer en un véritable événement traumatique, affectant négativement la santé psychique de la mère, son bien-être, ainsi que sa relation future avec son bébé.

L'accouchement traumatique se réfère à une expérience de naissance perçue par la femme comme effrayante, menaçante ou horrifique. Cette perception est subjective et peut découler de divers facteurs, tels que la douleur intense, les complications médicales inattendues, la peur pour la vie du bébé ou de la mère, ou encore un sentiment de perte de contrôle.

Parfois, même un accouchement techniquement « réussi » peut être vécu comme traumatique en raison de la manière dont les événements se sont déroulés ou ont été perçus par la mère et/ou le père.

Les conséquences psychologiques d'un accouchement traumatique peuvent être profondes et variées. Les symptômes les plus courants incluent :

  • Trouble de stress post-traumatique (TSPT) : Événements traumatiques peuvent entraîner un TSPT, caractérisé par des flashbacks, des cauchemars, une hypervigilance et une évitement des souvenirs de l'accouchement.
  • Anxiété et dépression post-partum : Les femmes ayant vécu un accouchement traumatique sont à risque accru de développer des troubles anxieux ou dépressifs.
  • Dissociation : Certaines femmes peuvent ressentir une dissociation émotionnelle ou physique, se sentant déconnectées de leur corps ou de leurs émotions pendant ou après l'accouchement.
  • Impact sur l'attachement : La relation d'attachement entre la mère et l'enfant peut être perturbée, rendant difficile pour la mère la connexion émotionnellement avec son bébé.

L'EMDR peut des lors être utilisé de manière préventive chez les femmes enceintes qui présentent des antécédents de traumatisme ou une anxiété sévère liée à un premier accouchement.

En désensibilisant les peurs et en renforçant les ressources psychologiques, l'EMDR prépare les futures mères à vivre l'accouchement de manière plus sereine et / ou à retraiter les moments difficiles antérieurs.

Les recherches sur l'efficacité de l'EMDR en périnatalité, bien que limitées, sont prometteuses. Une étude de Stramrood et al. (2012), pour exemple, a démontré que l'EMDR réduisait significativement les symptômes de SSPT chez les femmes ayant vécu un accouchement traumatique.

Des études de cas montrent que l'EMDR peut être particulièrement bénéfique pour les femmes qui éprouvent des symptômes de dissociation, de dépression post-partum ou de difficultés dans la relation d'attachement avec leur enfant après un accouchement traumatique.

Une autre étude de cas a démontré que, chez une femme souffrant de dissociation liée à un accouchement douloureux, l'EMDR a permis de réduire les épisodes dissociatifs et de renforcer le lien mère-enfant.

Dans la même lignée, des études préliminaires indiquent que l'EMDR peut contribuer à la réduction de la perception de la douleur et à l'amélioration de la qualité de vie des patients souffrant de conditions telles que la fibromyalgie ou les maux de dos chroniques.

 

Comment s’applique l’EMDR dans le traitement la douleur de l'accouchement vécue comme traumatisante.

 

Charlotte est âgée de 35 ans, et est enceinte de 5 mois de son second quand elle vient me consulter. Elle a accouché il y a un trois ans d’un premier petit garçon et m’en fait un récit traumatique, en insistant sur la douleur intense qu'elle a ressentie alors.

Elle rapporte des souvenirs intrusifs de la douleur, une anxiété importante à l'idée d’accoucher pour la seconde fois, et une peur intense des hôpitaux et des actes médicaux. Elle évite les discussions autour de l'accouchement et ressent une déconnexion émotionnelle avec son conjoint depuis qu’elle est de nouveau enceinte.

Charlotte s’attendait à accoucher avec péridurale, mais elle a été confrontée à des contractions extrêmement intenses et prolongées et une anesthésie qui n’a pas bien fonctionné.

À un moment donné, Charlotte me décrit qu’elle a commencé à s’éprouver comme "hors de son corps", comme si elle observait l'accouchement de l'extérieur. Elle se souvient avoir ressenti un engourdissement émotionnel et physique, suivi d’un sentiment d'impuissance et de détachement. Cette sensation s'est poursuivie après l'accouchement. Charlotte me dit avoir eu beaucoup de difficulté par la suite à lier relation avec son bébé. Elle en éprouve encore des séquelles à ce jour.

Compte tenu des antécédants physiques, une échelle d’évaluation de la dissociation a été proposée. Charlotte a ainsi pu mettre en mots les perceptions physiques, sensorielles et émotionnelles qu’elle a ressenti au moment de l’accouchement ainsi que celles qui ont perduré après plusieurs mois.

Nous avons pu repérer des symptômes somatoformes principalement (engourdissement de la jambe droite, maux de dos et douleur au périnée durant les relations intimes).

Ainsi, nous nous sommes principalement intéressées au registre sensoriel et avons identifié une première cible sensorielle à retraiter, une fois que Charlotte était stabilisée (construction de plusieurs lieux sûrs apaisants, séances d’ancrage corporel, travail sur les sensations corporelles et sécurité physiologique, table de Fraser pour accompagner le phénomène dissociatif, et utilisation de la boîte de vitesse d’Helene Dellucci avec désensibilisation de la sensation douloureuse).

Notons à ce sujet qu’une patiente dissociée, ne peut entreprendre un travail de retraitement du souvenir ou de la sensation traumatique si elle n’est pas suffisamment ancrée de nouveau dans son corps.

La première partie de la thérapie se consacra donc exclusivement à cette remise en lien des sensations corporelles dans l’ici et le maintenant.

Nous avons par la suite pu cibler ensemble les événements qui posaient le plus de problème à la patiente ainsi que la cible principale et prioritaire à retraiter.

Dans le cas de Charlotte il s’agissait du moment précis où elle a commencé à ressentir la dissociation pendant l'accouchement, lorsque la douleur était à son paroxysme. Ce moment a été associé à des croyances négatives telles que

« Je ne suis plus là » ou « Je ne peux pas supporter cette douleur ».

En phase de désensibilisation (retraitement de la sensation traumatique) Charlotte se concentre sur le point culminant de la douleur et les émotions horrifiques associées pendant que je pratique du taping sur ses genoux.

Il s’agit de Stimulation Bilatérale Alternée (SBA) d’efficacité identique à celle pratiquée avec les yeux. Charlotte se sentait tout simplement plus confortable avec cette technique.

Progressivement et à mesure que le processus avance, Charlotte aura plusieurs moments de décrochages corporels (dissociation physique).

Aussi, les premières séances durent être accompagnées d’oscillations et d’expositions à la sensation (CIPOS) ainsi que de stabilisation pour éviter à Charlotte de replonger les deux pieds dans le passé. Un gros travail de mise en relief des ressources corporelles fut également engagé (figures symboliques, animal totémique et reviviscence ces de souvenirs ressource).

Le retraitement de ce point culminant de la douleur aura finalement nécessité un re-découpage en plusieurs petites cibles (dans la grande cible) afin que le processus demeure supportable pour elle.

Au fur et à mesure des séances, Charlotte a fini par se sentir de plus en plus présente et connectée à ses émotions et à son corps lorsqu'elle revisitait ce souvenir.

Nous avons poursuivi ainsi l’exploration et le retraitement des autres cibles et des moments dissociatifs survenus après l'accouchement, en réduisant progressivement leur impact.

Des nouvelles croyances positives alternatives se sont alors installées en lieu et place des précédentes, telles que

"Je peux gérer cette douleur" ou "Je suis ici, dans mon corps, en sécurité".

Suite à ces séances, Charlotte a pu me rapporter une diminution significative des épisodes de dissociation. Elle se sent maintenant plus connectée à son corps et à ses émotions, tant dans ses souvenirs de l'accouchement que dans ses interactions actuelles avec son fils.

Elle se sent plus présente et investie dans son rôle de mère et appréhende de façon plus sereine la mise au monde de son second enfant. Elle a également retrouvé des relations intimes avec son compagnon.

J’ai choisi de vous présenter cet exemple clinique car il illustre bien l'efficacité de l'EMDR pour traiter la dissociation liée à la douleur de l'accouchement.

En désensibilisant les souvenirs traumatiques et en réintégrant les expériences corporelles et émotionnelles positives, la thérapie a permis à Charlotte de surmonter ses symptômes de dissociation et de reconstruire un lien d'attachement sécurisant avec son fils aîné. Il demeure ainsi très important de traiter les réponses dissociatives pour favoriser une expérience post-partum plus saine et équilibrée.

 

Le post-partum et l’héritage transgenerationnel dans le lien précoce mère/enfant

 

 

Comme explicités précédemment, les traumatismes liés à l'accouchement sont courants et peuvent impacter la vie psychique de la mère et, en conséquence, le lien mère-enfant.

Mais il existe aussi d’autres expériences de vie personnelle douloureuses et antérieures à la maternité, susceptibles d’abîmer à terme cette relation naissante avec l’enfant.

De façon plus générale, les troubles de l'attachement sont souvent le résultat d'expériences relationnelles précoces perturbées, notamment en cas de négligence, d'abus ou d'une séparation prolongée avec le(s) parent(s) principal(aux).

Les symptômes des troubles de l'attachement peuvent également inclure une difficulté à faire confiance aux autres, une peur intense de l'abandon, des comportements de contrôle excessif, ou au contraire une dépendance extrême vis-à-vis des relations.

Comment alors une jeune mère pourrait t elle déployer un lien secure à son enfant si elle n’est pas secure en elle même depuis sa propre petite enfance ?

Les jeunes mères me font souvent état de leur inquiétude à ce sujet : « J’ai peur de ne pas être une bonne mère », « Je ne veux pas ressembler à ma mère », « je ne saurai pas de quoi a besoin mon bébé », ou encore « je suis encore moi même une petite fille, c’est trop tôt pour moi la maternité », « mon bébé ne m’aimera pas ».

La Relation affective ne s’apprend pas en effet. Elle se vit. Et lorsque cette vie antérieure et son lot d’héritage transgenerationnel ont été émaillés par de fortes turbulences émotionnelles, à l’approche de la maternité, ces mouvements internes se voient nettement réactivées et sont immanquablement retraversés par la devenante mère.

Il s’agira de travailler ces mouvements trans-générationnels, avec la patiente, pour l’aider à se libérer de ses modèles anciens et créer une façon bien à soi d’être au monde avec son bébé.

Les cliniciens sont donc très sensibles à la question du post partum en périnatalité, car si les femmes devenues mère se sentent déprimées, insécures ou incompétentes, cela va avoir un impact majeur et immédiat sur la relation et le développement harmonieux de leur enfant. Car un bébé ne grandit pas tout seul et a besoin des contacts rapprochés et sécurisants de son parent. Il s’agit là d’une véritable politique de prévention vis à vis des futures générations.

Baas et al. (2020) a souligné, à ce sujet, que l'EMDR était efficace pour traiter les symptômes de dépression post-partum puisque cette thérapie permet de réduire les symptômes de traumatisme sous-jacents.

Dans la même veine, Hélène Dellucci a joué un rôle pionnier dans l'application de l'EMDR au traitement des traumatismes transgénérationnels. Son approche intégrée, qui combine psychogénéalogie et EMDR, permet aux patients de comprendre et de se libérer des poids émotionnels hérités de leurs ancêtres. Ses travaux apportent une contribution significative au champ de la thérapie transgénérationnelle, offrant de nouvelles perspectives pour la guérison des traumatismes profonds et souvent invisibles.

L'apport de Dellucci est essentiel pour ceux qui cherchent à comprendre comment les souffrances non résolues des générations passées peuvent influencer la vie des descendants, et comment ces schémas peuvent être transformés grâce à une approche thérapeutique intégrée. Ses recherches et sa pratique clinique offrent un cadre puissant pour aider les individus à se libérer de l'héritage émotionnel douloureux et à vivre pleinement leur propre vie.

Je vous propose dans ce qui va suivre, une étude clinique décrivant l’héritage transgenerationnel et son impact sur le lien d’attachement affectif entre une devenante mère et son bébé, et comment l’approche EMDR a pris tout son sens durant le travail thérapeutique.

 

L'EMDR dans le traitement des traumatismes périnataux et transgénérationnels :

 

Anna est âgée de 27 ans, et jeune maman primipare d'un enfant de 6 mois, une petite fille.

Anna me consulte en raison de sentiments persistants de dévalorisation et de peur de ne pas être une bonne mère. Elle exprime des difficultés à établir un lien d'attachement sécurisant avec sa fille, se sentant souvent dépassée et insuffisante dans son rôle maternel. Elle mentionne un modèle familial où les femmes de sa famille ont toujours été « fortes » mais « émotionnellement distantes ». Anna craint de reproduire ce modèle familial, qu’elle n’approuve pas, avec son propre enfant.

En effet, Anna a grandi dans une famille où sa mère et sa grand-mère étaient des figures d'autorité matriarcales, et peu démonstratives sur le plan émotionnel. Les hommes étaient peu présents et ont manifesté une certaine passivité dans les prises de décision importantes de la vie quotidienne.

Sa mère et sa grand mère maternelle valorisaient le travail et l'autosuffisance, mais exprimaient rarement leur affection. Aussi, Anna a souvent ressenti qu'il n'était pas acceptable de montrer ses vulnérabilités ou de demander de l'aide.

Elle se rappelle et mentionne des phrases comme : « On ne pleure pas dans cette famille » ou « On doit être forte ».

La grand-mère maternelle d’Anna avait elle-même été élevée dans des conditions difficiles pendant la seconde guerre mondiale, ce qui avait renforcé une attitude de résilience mais aussi valorisé la nécessité d’une distance émotionnelle à l’intérieur de soi et envers les autres.

Par ailleurs, l'accouchement d’Anna s'est déroulé sans complication médicale majeure, mais Anna a ressenti une grande solitude émotionnelle pendant cette période. Elle avait l'impression qu'elle devait tout gérer seule, comme si demander du soutien ou montrer des signes de fatigue aurait été un signe de faiblesse. Son compagnon également peu présent, car retenu par son travail, il n’avait pas permis de rééquilibrer mieux la balance.

Depuis son retour de la maternité, Anna se sent aujourd’hui tourmentée émotionnellement, et particulièrement ambivalente à l’égard de sa fille : Anna connaît des difficultés à montrer son attachement à sa fille même si elle le souhaite ardemment. C’est plus fort qu’elle, me dira t elle, « j’ai du mal à rassurer ma fille quand elle pleure et je m’imagine tout le temps qu’elle fait des caprices. C’est comme schizophrénique cette histoire : d’un côté je sais que j’ai raison de vouloir la câliner et de répondre à ses besoins, et de l’autre c’est comme si une force en moi m’intimait l’ordre de ne rien faire pour éviter qu’elle ne soit faible plus tard ».

Dans une première phase préparatoire, je propose Anna de construire son genogramme pour établir les liens et les croyances familiales de génération en génération. Nous redécouvrons ensemble que sa famille a lutté pour sa survie à une époque qui était bien différente de la sienne.

Nous retraçons ainsi l'histoire transgénérationnelle, en mettant en évidence les schémas de résilience forcée et de distance émotionnelle transmis de génération en génération.

Je pratique parallèlement de la psycho-éducation clinique pour la préparer à la pratique de l’EMDR.

Puis nous mettons en œuvre un plan de ciblage des souvenirs pénibles et identifions ensemble ceux qui lui posent le plus de problème à ce jour, en d’autres termes ceux qui semblent parasiter le plus son attachement affectif à sa fille.

Anna décide de travailler prioritairement sur un souvenir très ancien où, à l'âge de 7 ans, elle avait pleuré après une mauvaise journée à l'école, et sa mère lui avait dit sèchement : « Tu dois être forte, les larmes ne résoudront rien. »

Ce souvenir fut associé à la croyance négative selon laquelle

« Je ne dois pas montrer mes émotions, je ne mérite pas d'aide »

Durant la phase de retraitement de ce souvenir traumatique (désensibilisation en EMDR), Anna parvient rapidement à se distancier de la croyance selon laquelle montrer ses émotions ou demander de l'aide est une faiblesse. Elle explore à cette occasion les liens entre ces croyances et ses difficultés actuelles à se connecter émotionnellement avec son bébé.

Durant le processus, de nouveaux événements de vie dont sa mère et sa grand mère maternelle lui avaient fait part referont également surface. Grâce à cette distanciation établie entre elle et les souvenirs rapportés de sa famille, Anna saura dire que ces derniers appartiennent au passé de ses aïeuls et non à elle.

Des croyances positives se sont maintenant installées, telles que

« Il est normal de montrer ses émotions et Je mérite de recevoir de l'aide et du soutien ».

Ces croyances sont renforcées par des expériences en séances durant lesquelles Anna parvient enfin à exprimer ses émotions de manière authentique et avec fierté. J’ai par la suite beaucoup encouragé Anna à identifier et cultiver les moments où elle se sentait connectée avec son bébé, en valorisant ces expériences comme un nouveau modèle de maternité.

Lors des séances suivantes, Anna a commencé à observer des changements dans sa relation avec sa fille.

Elle se sent maintenant plus à l'aise pour exprimer ses émotions et demander du soutien à son partenaire et à sa famille.

Anna me rapporte également une amélioration dans sa capacité à répondre aux besoins émotionnels de son bébé, se sentant plus connectée et présente.

Elle commence également à se réconcilier avec l'idée qu'être une bonne mère ne signifie pas toujours être forte et indépendante, mais aussi être capable de montrer de la vulnérabilité et de chercher du soutien quand c'est nécessaire.

Après plusieurs séances d'EMDR, nous constatons ensemble une réduction significative des sentiments de dévalorisation et de peur d'être une mauvaise mère. Anna a réussi à se libérer de certaines des croyances limitantes transmises par sa famille, adoptant une approche plus équilibrée et émotionnellement ouverte dans sa relation avec son bébé.

Anna est fière d’avoir su remettre en cause certaines lois inconscientes familiales.

Grâce à ce changement de paradigme, Anna a pu construire un lien d'attachement plus sécurisant avec son enfant, rompant ainsi le cycle transgénérationnel de distance émotionnelle et travaillant à une meilleure qualité de vie pour elle et son enfant.

 

Conclusion

Les perspectives pour l'EMDR en périnatalité sont vastes. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour affiner les protocoles et confirmer l'efficacité de l'EMDR, de façon standardisée, dans différents contextes périnataux.

Mais l’EMDR représente toutefois une avancée significative dans la prise en charge des traumatismes périnataux.

J’ai pu constater au fil de l’évolution de ma pratique clinique les progrès rapides et parfois impressionnants de mes patient.e.s face à des sujets éminemment douloureux, ce que les psychothérapies plus classiques ne permettaient pas toujours d’apaiser aussi efficacement et durablement.

En proposant d’associer le travail clinique et l’approche EMDR pour traiter les traumatismes liés à la grossesse, à l'accouchement et au post-partum, cette pratique thérapeutique complémentaire contribue à améliorer la santé mentale des mères et à renforcer le lien d’attachement affectif mère-enfant.

Il sera, dans tous les cas, toujours crucial de procéder à une évaluation complète (contexte de vie quotidienne, familial, état physique et physiologique hormonal et émotionnel), avant d'entreprendre le traitement en EMDR auprès des femmes, des mères, des pères et des bébés, afin de s'assurer que les patients soient prêts psychologiquement pour une thérapie centrée sur le traumatisme.

Enfin, nous ne rappellerons jamais assez combien son utilisation en périnatalité se doit d’être encadrée par des professionnels psychologues ou psychiatres formés à cette méthode (dans les centres habilités) et spécialisés en périnatalité.