La vague approche...
Nous y voici, au début de ce que les décideurs n’ont pas osé appeler « le confinement ». Par crainte de trop de panique, de personnes anxieuses qui pourraient ne pas se remettre de « ce mot » qui blesse, qui contraint, qui effraye. Une internaute de France Inter dira : « Moi je suis très anxieuse, si je dois rester chez moi, je me fous par la fenêtre ». On comprend mieux les précautions verbales employées par le Président.
Jamais depuis 80 ans nous n’avions été de nouveau confrontés à pareille situation. Tout le monde arrêté net dans sa vie et confronté à la même tragédie.
Cette crise sanitaire nous rappelle, ce qu’historiquement la seconde guerre mondiale, dans un autre format, certes, a fait vivre au monde dans son entier, une expérience commune, à laquelle tous peuvent s’identifier. Et quelle expérience ! Quel drôle d’union? Pour peu que certains aient pu l’oublier, il nous faut y retourner... une autre guerre nous dit le Président.
C’est bien de nous dont il s’agit, nous y sommes au début du confinement, avec ses premières euphories, pléthores de blagues, sa sidération aussi, ses doutes, ses craintes, c’est pour combien de temps ? Pas sure toutefois qu’à l’orée de la seconde guerre mondiale, le climat était à la blague. Il ne s’agit pas tout à fait de la même guerre cette fois. Plus indicible, invisible, pernicieuse, inimaginable, elle nourrit la banalisation.
Confrontés à la même situation, cela détone par son caractère identificatoire fort, nous qui vivons, dans les très grandes agglomérations, souvent les uns à côté des autres. Tel un négatif photo, nous allons maintenant devoir vivre tous ensemble, mais isolés chacun chez nous.
Le « ça va » ne s’exprime plus de la même façon. Aujourd’hui le « comment tu vas »? Est de rigueur. Et la réponse qu’elle appelle ... des plus complexes pour celui qui la reçoit. D’ailleurs, sommes-nous vraiment prêts à la recevoir ? Peut-être évitons de la poser après tout, ou plutôt ... si nous la posons, posons là en connaissance de cause.
Aujourd’hui c’est le temps de la parole vraie, nous nous approchons de LA vérité, de notre vérité propre, celle de l’intériorité qui nous fait dans notre entier, qui nous est propre, avec ses traits saillants, sa beauté comme sa laideur.
Oui cette fois le covid-19 touche tout le monde : les plus éloignés du globe terrestre tout d’abord, c’est loin Wuhan, ça ne nous arrivera pas, puis nos voisins les italiens, ah quand même ça se rapproche, on observe, on regarde attentivement, fascinés sans rien faire telle la vague du tsunami qui se rapproche de façon rapide et inquiétante au plus près de la plage, on attend, et maintenant elle nous touche, elle nous plaque au sol même : c’est au tour de nos proches, et peut-être de moi.
Il faut se coucher au plus près du sol pour laisser la vague passer au-dessus de nous, pour ne pas la prendre de plein fouet me dira une patiente. Et attendre, retenir sa respiration le plus longtemps possible.
Nous tous, toutes les CSP (catégories socio-professionnelles) les infirmier(e)s, les médecins, les psy… les membres du gouvernement, les ouvriers, les cadres, les VIP, les riches, les pauvres, les sachant et les non-sachants… sommes concernés et seules nos réactions, nos actions, nos paroles révèlent et révèleront l’être profond qui siège en chacun de nous.
Que s’est il passé ? On n’a rien vu venir ?!?? Peux être qu’on fond, si nous sommes sincères, nous pourrons admettre que nous ne voulions pas voir. Comment expliquer une telle banalisation ?
La peur est pourtant l’essence même de ce qui fonde l’être humain, celle qui nous permet de réagir, de fuir le danger, celle qui nous sauve en somme. Mais la panique, quand elle gagne, n’est que sidération, elle empêche de bouger, tel une biche happée dans les phares de la voiture. Cette vague là était certainement trop grande, trop intense, trop choquante pour nous paraître réelle.
L’heure du choix a sonné et chacun se questionne ...
Je dois me confiner. Avec qui ? Où ? Je n’ai pas beaucoup de temps pour me décider...
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Si ça dure longtemps mieux vaut au vert, qu’entre quatre murs dans mon appartement parisien de 40m2 avec les deux enfants, ça risque d’être l’enfer, on ne va pas le supporter !
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Mais si je contamine les autres, mes proches? Je préfère rester, je suis une mère courage, même seule avec les enfants je vais affronter.
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Je n’ai pas de symptômes ça va aller. Allez, on y va quand même à la campagne. On va partager la maison familiale en deux parties bien hermétiques et se parler du bout du jardin. Les grands parents d’un côté, et nous de l’autre.
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Et si je restais seul(e) ... cela pourrait me donner de l’air, de l’oxygène, ma famille m’étouffe c’est une bonne occasion pour faire le vide et me reconnecter avec moi. Pourquoi tu refuses de venir chez nous ? Que vas-tu faire tout seul ? Tu ne veux donc pas être avec nous ?
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Je vais venir, cela m’est difficile mais je vais le faire par amour pour toi. Déménageons chez ton père, pour les soutenir dans ce moment difficile et accompagnons comme il se doit ta belle-mère, qui se trouve aux portes de la mort. Ils auront besoin de nous. Tu as raison.
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Je viens de me séparer de toi et maintenant je dois te retrouver avec la promiscuité en plus, le tout pour supporter ensemble l’impensable. Qu’importe, je préfère rester proche des enfants, je penserai à moi plus tard.
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Cela fait longtemps que nous nous disputons, l’heure de vérité a sonné. Nous verrons bien si notre couple tient le coup.
- Pour moi tout va bien, je suis seul(e) ou bien accompagné(e) avec les gens que j’aime, je suis installé(e) confortablement. Je n’ai pas à me plaindre. Je n’ai jamais eu besoin de beaucoup. Je me suffis de peu.
Céline Lemesle, Psychologue Clinicienne