Accepter le rejet de son père

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nanou
Accepter le rejet de son père

bonjour,
je suis une jeune femme de 33 ans mère de 3 chérubins. mes parents ont divorcé lorsque j'avais 9 ans, suite à un comportement légèrement frivole de ma mère qui l'explique comme une conséquence du comportement de mon père qui ne réalisait pas ses rêves. bref c'est pas sa faute. je me suis retrouvée témoin de l'affaire ce qui a développé chez moi une culpabilité et je me suis toujours senti comme étant un poids pour mes parents...ahhh si j'avais pas été là! de plus les reves professionnels de mon père ont été stoppé net à ma venue au monde...scolarité impossible en ayant une femme et 2 enfants à charge.

de là mon père que je croyais comme le père parfait a montré une facette de sa personnalité qui m'a fallu (malheureusement...ou pas) 25 ans pour la définir et la voir, et pas juste l'entrevoir. mon père n'a jamais été présent pour moi, ni pour mon frère. mais mon frère, c'est un autre sujet.

il s'est remarié très rapidement avec une dame mère de 2 enfants. elle avait un handicap qui la rendait très dépendante des autres et je pense qu'au final même si elle avait surement des sentiments pour mon père, elle cherchait encore plus un père pour ses enfants...le problème c'est que les enfants de son mari( autrement dit moi et mon frère) ne faisions pas parti de son rêve de vie familiale! et me voilà parti pendant 19 ans à essayer d'attirer l'attention d'un père que je voulais protéger de ma vilaine mère. je n'acceptais pas que ma mère l'appelle pour le disputer parce qu'il nous faisait venir chez lui pendant qu'il travaillait alors qu'il partait en vacances avec sa nouvelle famille! je n'ai jamais voulu voir que mon père ne me voulait pas. je mettais tout sur le dos de son épouse qui avait des actions qui justifiaient le fait qu'elle ne nous voulait pas dans sa vie (quand on venait à l'improviste on dormait dans la tente dans le jardin, aucunes photos de nous au milieu de toutes celles de sa famille et si j'avais le malheur de toucher à ses produits de beauté elle cachait tout).

mon père et mon frère ont coupé les ponts lorsque j'avais 15 ans. mais moi je cherchais après ce père qui devait m'aimer et me protéger de ma vilaine mère qui m'empêchait de grandir comme je le voulais et de suivre le chemin que je voulais. j'ai continué à essayer de toutes mes forces à chercher dans ses yeux l'amour de mon père en faisant la vaisselle tous les dimanches pour que sa femme se repose...les éponges c'est pour les filles il me disait! en l'aidant dans des démarches administratives et financières qui lui ont permit d'améliorer son train de vie même si je devais me sacrifier des petits plaisirs personnels. je voulais faire parti de sa vie mais je ne me suis jamais demandé si il voulait que je fasse parti de la sienne!

jusqu'au jour où j'ai commencé une thérapie à la base parce que j'avais du mal à accepter les femmes importantes dans la vie des hommes que j'aimais et j'avais peur qu'au moment où mes garçons auraient des épouses, j'aurais été affreuses avec elles de tomber de mon trône.

au final j'ai découvert que non seulement je n'étais pas coupable du divorce de mes parents mais que j'avais eu de grosses blessures qui saignent encore et qui m'empêcher d'être sereine puisque je ressassais toute ma vie en long en large et en travers...et je l'avais de travers!

depuis maintenant 1 an je n'ai plus de contact avec mon père, cela fait près de 2 ans qu'il n'a pas vu ses petits-enfants. il ne cherche pas à relier un lien et je me dis que cela n'en vaut peut etre pas le coup puisque de toute façon il ne sera jamais le père que je croyais avoir et de plus je ne veux pas que mes enfants soient aussi déçus par lui. j'ai déjà entendu plus d'une fois les "papi a dit que...et papi a pas fait".

je vois qu'il se satisfait de ses pertes et je n'ai plus besoin de lui courir après même si j'éprouve une grande déception et une incompréhension de son comportement à mon égard.

j'ai toujours essayé d'être la fille rêvée pour ne pas qu'il me rejette mais j'ai eu le culot de le rejeter à un moment de ma vie où les difficultés de la vie me faisait couler et son orgueil ne lui a pas donné la force de lutter pour cette relation. aujourd'hui j'ai du mal à accepter sa faiblesse et il me fait meme desfois pitié comme je vois comme il s'enfonce dans la solitude et l'amertume. je ne veux pas passer ma vie moi aussi avec cette amertume et je demande comment faire pour accepter au final que je ne suis pas quelqu'un que mon père désir dans sa vie?

celine-lemesle
Bonjour madame,

Il est toujours inacceptable de ne pas se sentir aimée par ses parents car cette question est centrale pour la construction affective et psychique de chaque personne.
La naïveté enfantine nous préserve pour beaucoup de ces réalités qui font mal et nous protège en quelques sortes de ces blessures.
J'ai la conviction que l'on perçoit et découvre les fondements des liens pathologiques une fois que nous sommes prêts à l'endurer, l'accepter et c'est probablement mieux ainsi.

Vous êtes dans une période de deuil que l'arrivée de vos enfants et le manque d'intérêt de votre père pour eux a amorcé définitivement.
Qui dit deuil, dit plusieurs phases qui s'alternent, se réactivent et que l'on finit par passer et dépasser : sidération, colère, tristesse, puis acceptation. La vie continue.

Aujourd'hui vous avez une vie d'ensemble sur votre histoire et cela est nécessaire pour avancer, ce qui l'est d'autant plus à mon sens, c'est aussi de se dire avec sincérité à soi même que cela reste le passé. Et si personne ne maîtrise vraiment son histoire d'enfant, notre vie d'adulte, quant à elle, nous avons toujours le choix de la vivre avec sérénité ou dans l'amertume et la colère.

Vous avez grandi, et votre futur est devant vous.
C'est aujourd'hui le choix qui s'offre à vous, regarder derrière ou embrasser la vie, mais cela suppose alors de concéder que vous êtes deux adultes votre père et vous, vous faites vos chemins même s'ils ne vont pas dans le même sens et cela appartient à la liberté de chacun.

Je crois qu'il s'agit surtout d'accepter que votre père, avant d'être un père défaillant, est un homme et qu'il en a décidé ainsi et personne n'y peut rien. Servez vous de cette expérience pour travailler sur vous, vos relations et le liens à vos enfants.

Le travail qui vous est donné de faire est sans doute le plus difficile: laisser derrière vous la petite fille qui pleure, pour accepter de ne plus avoir besoin de lui car vous êtes devenue une femme, et une mère à votre tour aujourd'hui.

Prenez soin de vos proches et de vous même. Rien n'est plus précieux.

Céline Lemesle, Psychologue