« Même la nuit la plus sombre prendra fin et le soleil se lèvera ». Victor HUGO
L’énergie mobilisée, en cette période de crise, témoigne davantage d’une nécessité à s’adapter, plus qu’à réinvestir le couple. Le confinement s’éternisant, les tensions peuvent toutefois revenir et s’expriment par le stress. Pourquoi devient-on plus irritables et impatients, prêts à s’enflammer à la moindre étincelle ?
- J’ai l’impression d’être comme un lion enfermé en cage, dès que le climat est tendu, nous choisissons de prendre naturellement nos distances pour éviter que ça n’explose. C’est une véritable épreuve de tolérance au sein du couple.
Les réactions actuelles sont exacerbées en ce sens que l’intimité se voit forcée. Mais à l’intérieur du couple le degré de proximité n’est pas le même d’une personne à l’autre. Les facteurs conflictuels majeurs concernent l’argent, la sexualité, les enfants, la communication et aujourd’hui l’avenir. Il faut donc être en capacité d’en parler, de s’en ouvrir avec bienveillance, d’être sincère envers soi-même et vis-à-vis de l’autre.
- Quand je veux aborder les questions conflictuelles, il me dit : « tu me brises, tu me casses ». C’est très violent pour moi qui souhaite plutôt évoquer avec lui les soucis, notre vie. Lui, serait plutôt d’une nature évitante. Alors cela me donne l’impression d’être malveillante avec lui, de le faire souffrir inutilement dès que je lui parle.
Si l’impatience et l’irritabilité s’invitent quotidiennement au sein des foyers, cette contrainte de confinement ne pourrait-t-elle pas aider à repenser le couple et à l’apprécier à sa juste valeur ?
Rappelez-vous la raison pour laquelle vous vous êtes choisis
L’amour ? Peut-être… assurément ! De toutes les émotions, l’amour est sans doute le sentiment qui conduit aux plus intenses paradoxes. Aimer n’est malheureusement pas toujours suffisant pour vivre heureux ensemble… Si nous le savons bien au fond de nous, il est plus aisé de le dire que de le vivre.
Si le couple se compose à deux, chacun avec son histoire, ses mécanismes transférentiels (émotions), la relation constitue à elle seule un système éminemment complexe et dynamique.
La longévité de ce lien s’incarne bien souvent à travers un environnement propice à la rencontre (question de temporalité, après une rupture, une longue solitude, un deuil…, notre chemin de vie, les besoins du moment, le sens et le passage de vie…), une compatibilité des personnalités en jeu (forces et faiblesses, fonctionnement extraverti / introvertie, alliance/rivalité, constellation fantasmatique, mosaïque comportementale qui se révèle de façon plus ou moins heureuse en fonction des qualités et besoins de chacun…), un rythme connu et respecté (besoins personnels à ne pas sacrifier, activités et hobbies, préférence sexuelle, lieu et façon de vivre…) et la construction d’un projet commun, une direction qui se dessine ensemble (vie familiale, d’expatriation, de travail, de couple..).
Le confinement nous oblige aujourd’hui à nous reposer ces questions. Tandis que certains se sont perdus de vue et tentent de se retrouver, d’autres qui se sentaient pourtant proches, s’éloignent. Epreuve de Vérité.
- Mon compagnon vient de me formuler une demande originale, une façon habile de voir davantage la femme avec laquelle il entretient un lien affectif depuis plusieurs années maintenant, sinon plus..., et propose qu’elle s’installe chez nous pour s’occuper de nos enfants durant toute la période du confinement. Il n’en peut plus, je le comprends au fond. Bien que cette requête me paraisse évidement hors de propos, je me demande aujourd’hui si je serai assez forte pour accepter un nouveau schéma Sociétal, celui dont beaucoup de monde parle : le poly-amour. Je n’y connais pas grand-chose à cette nouvelle façon d’aimer, après tout y suis-je si réfractaire ? Au fond, si je suis sincère avec moi-même, je n’ai plus de désir pour lui et lui non plus. La tendresse continue de nous unir. De nouveaux désirs s’invitent en moi. Cela fait tant d’années… Les évidences sont à portée de main. Nous nous respectons pour les personnes que nous sommes et aimons passionnément, à la folie, la jolie famille que nous élevons ensemble. A ce bel ouvrage, tout du moins, c’est certain, je ne suis pas prête à y renoncer. Belle occasion pour repenser ma vie !
A bien y regarder, quelles sont nos aspirations ? Avons-nous envie d’être un couple romance, attentionné, passionnel, fusionnel, allié, rival, parental, thérapeute, couple amour-couple toujours… ? Cette situation nous oblige à questionner le différentiel, parfois le gap, qui existe entre nos attentes, la réalité de nos besoins réciproques et de nos personnalités.
Qu’en est-t-il du désir en cette période de confinement ?
La relation affective semble être favorisée par les effets du confinement, nous nous sentons relancés dans nos vies personnelles pour les deux tiers d’entre nous. Si beaucoup de personnes se sentent endormies, comme dans la Belle au Bois Dormant, le désir demeure. Cet élan vital, parfois capricieux, nous pousse tout de même vers ce que nous souhaitons. Jamais autant de joggers n’ont parcouru la ville. Nous rêvons d’une Liberté qui nous semblait naturelle et qui aujourd’hui nous réapprend l’effort et la patience.
D’ailleurs, l’effort n’a de sens que s’il se poursuit jusqu’au bout !
Recentrés sur soi, par la force des choses, les couples qu’ils soient naissants ou bien installés dans ce temps suspendu, qu’ils soient jeunes ou vieillissants, le désir reste au cœur des questionnements :
- J’ai treize ans, j’ai des palpitations cardiaques, mais je ne crois pas que ce soit le COVID-19 ! C’est plus l’amour… depuis que je communique avec lui, mon cœur se serre et bat la chamade. Si on s’invitait l’un chez l’autre en visio, ce serait un peu trop intime quand même.
Corps à cœur, lorsque la relation est naissante, la libido bat son plein et se traduit naturellement de façon passionnelle, fusionnelle… Enlacés l’un l’autre, adossés à ce confinement, plus rien n’existe :
- C’est étrange d’être 24h/24 avec quelqu’un que l’on connait depuis si peu de temps. Et en même temps ce confinement nous a permis d’accéder à un tel niveau d’intimité ! A chaque fois que je passe à côté de lui, je ne peux pas m’empêcher de le toucher, de le câliner. Il a alors l’impression d’être mon doudou… Pour ma part, je n’ai jamais aimé les jeux de séduction qui, pour moi, sont insécurisants et tapissent le lien d’une certaine emprise.
Tandis que pour d’autres, la vie en aura décidé autrement, désir frustré, désir caché, il s’étire, se sublime à travers les mots, produisant cette belle mélodie qui reste et restera. Résilients, ces nouveaux amants s’inventent et se réinventent dans cet ailleurs cotonneux, nourrit par la douceur du lien qui les unit :
- Nous avons choisi de ne pas nous confiner ensemble, cela ne faisait que deux mois… Peur de se disputer dans mes 20 petits mètres carrés parisiens, peur de se lasser, on n’a pas voulu prendre le risque. Cela éprouve notre relation d’une autre façon du coup. On se met mutuellement dans une bulle, et on se dit que l’on se retrouvera après. L’aspect positif du confinement, malgré le fait que nous soyons séparés, c’est que nous nous écrivons, il écrit bien ! Les sujets de discussion qui virevoltaient au vent lorsque nous étions libres, se font plus sincères et profonds. La distance nous ramène à cet essentiel, le manque, le désir, le respect mutuel. Cela me fait penser aux tranchées durant la sale guerre, aux soldats. Leur vie ne tenant qu’à une feuille de papier et un stylo, nourrissant ainsi une relation épistolaire avec leur bien-aimée. Plus longtemps nous seront confinés, plus la poésie s’invitera dans les couples. Profitons de ce doux confinement.
Au siècle dernier, la communication était en effet beaucoup plus lente, les gens attendaient leurs lettres ce qui avait pour effet de développer une intimité bien différente. C’est à travers l’expérience du manque que ré-émerge le désir assourdissant.
Par ailleurs, beaucoup de personnes rêvent d’infidélité en ce moment, ont besoin de se sentir désiré(s) par d’autres quand, dans le quotidien, elles ne se sentent plus exister dans le regard de l’autre. Les dits infidèles, ne chercheraient-ils/elles pas plutôt à se libérer d’un manque de « Manque » ? D’une trop grande fusion au sein du couple ? Pouvoir incommensurable de l’esprit, si les fantasmes apportent cette bouffées d’oxygène, porteuse de renouveau et de distance au sein du couple, pourquoi s’en priver?
Enfin, quid de cette libido : est-t-elle au beau fixe durant le confinement ? Contrairement aux idées reçues, le confinement n’améliore pas nécessairement la sexualité au sein du couple. A être trop présent, le manque et le désir qui le sous-tend, ne jouent plus leur rôle. La sexualité du couple peut endurer toutes les épreuves, pourvu que le jeu de séduction soit toujours à l’œuvre :
- La séduction est hyper-codifiée, parole d’Aspi ! C’est très ludique au fond, une alternance entre un regard fixe et fuyant, je te fais croire que oui, mais peut être que non, tout n’est qu’un jeu d’ambivalence relationnelle. Ensuite, vous saupoudrez d’un peu d’humour, de taquineries, puis poussez la/le un peu dans ses retranchements, titillez, finalement faites le/la sentir fort et le tour est joué !
Tordons le cou aux idées reçues…
Et si la Communication n’améliorait pas nécessairement la sexualité du couple ?
Trop de com’, tue l’érotisme ! Lorsque ce jeu de séduction perdure, l’anxiété véhiculée par le climat actuel est, contre toute attente, mise au second plan. C’est tout du moins ce que ce confinement confirme.
Alors, travaillons à davantage d’espaces ludiques, pour éviter au désir de disparaitre comme peau de chagrin, et laissons à la « Communication » ses fonctions principales : apaiser les tensions et favoriser un climat plus serein au sein du couple.
Regardons-nous, écoutons-nous un peu mieux…
Arrêtons-nous un instant pour y penser un peu. Pourquoi ai-je réagis si brutalement ? N’était-ce pas cette nouvelle anxiogène qui a pu déclencher cet afflux de sensations désagréables, qui me fait maintenant exploser, et tout lui reprocher ? Se dire : « je me suis senti(e) emporté(e) inexorablement par ce sentiment », pourrait éviter de le projeter sur l’autre. Ces curseurs sur lesquels cela appuie affectivement ne sont pas toujours simples à identifier et désamorcer. La verbalisation nous ré-humanise l’un, l’autre. Cela permet d’entrevoir ce que l’autre pense et ressent quand il agit.
Beaucoup de cas de divorce à Wuhan témoignent d’une colère contenue, mise sous le tapis, fragilisant certains couples. Si le coupable est bien souvent « l’autre », constat imparable que l’on ne peut s’en prendre qu’à soi lorsque l’on vit seul, le couple n’apporte pas uniquement son lot de conflit, il serait parfois salutaire :
- Au petit matin, je me réveille angoissé(e). J’écoute le silence autour de moi et ça m’oppresse. J’arrive à faire le travail d’évacuer le stress que cette solitude confinée m’impose et révèle à mes yeux. Je rêve d’un « nous », d’un autre qui partagerait cette expérience de vie. Alors, avant de m’endormir, je me réconforte, je lis, je m’évade au travers d’autres réalités alternatives. Merci la SF.
En ce temps de confinement, il nous faut cultiver un bon climat. Nos disputes en valent-t-elles vraiment la peine ? Casser la famille est-ce vraiment cela l’issue la plus favorable ? L’atmosphère est à la grande souffrance et vivre tous confinés peut aussi être explosif :
- Le confinement nous force à bien nous parler. Je fais beaucoup d’efforts, NOUS faisons beaucoup d’effort pour éviter de nous énerver et je remarque que cette promiscuité/complicité nous permet de se tourner davantage l’un vers l’autre. Nous recherchons plus d’harmonie en ce moment, probablement parce que nous savons que cela risque de durer longtemps, peut-être aussi parce que la vie « du dehors » manque terriblement de légèreté. Le monde a besoin de tendresse pour apaiser tant de gravité.
Quelle que soit sa situation de vie, l’insatisfaction peut s’inviter à tous les étages, si les questions posées ne sont pas bien ciblées. Depuis le confinement, le couple vit en huis-clos, partage tout, tout le temps. Ce temps de trajet qui jadis séparait le temps professionnel du temps intime, sas de décompression essentiel pour certains, vient à manquer. « Le travail », ce second « coupable », venant juste après « l’autre », colmatait jusque-là les tensions déguisées.
Mais ne faut-t-il pas se rendre à l’évidence ! Le travail, tout comme « cet autre », ne sauraient répondre de nos réelles dissidences, ainsi que des paradoxes qui nous ont conduit vers cet homme, vers cette femme. Nous nous sommes dissimulés longtemps à nous-même et avons parfois du mal à assumer nos choix. Mais il est temps, c’est le bon moment pour nous parler avec sincérité de l’intimité, la libido, de notre personnalité et histoire, des espaces à garantir pour chacun d’entre nous, mais aussi de nos objectifs de vie :
- J’admets manquer de compassion envers ma compagne. Lorsqu’elle exprime ses émotions, je me sens perdu et je n’ai qu’une envie : partir, faire en sorte qu’elle disparaisse de mon champ visuel. Associé à ce confinement, je préfèrerai faire des activités avec elle. Je me sens pas capable de supporter ses craintes, je ne sais pas comment la rassurer.
Il est souvent difficile de se détacher des enjeux émotionnels. La plus grande difficulté du couple est d’accepter que l’autre soit différent, et si différent de soi, au fond. Les femmes recherchent souvent à travers la démonstration affective de leur conjoint, une confirmation d’amour, conjoint qui n’aura pas nécessairement bien appris à exprimer ses émotions étant enfant. La plupart des femmes voudraient juste se sentir aimées, avoir l’assurance de l’être, telles les princesses de contes de fée. Or, dans la vraie vie, nul n’est programmé pour assurer le bonheur d’autrui, pas plus d’ailleurs que les femmes ne sont des princesses.
Finalement, le confinement nous offre surtout l’opportunité de se ré-apprivoiser, de se ré-approcher, de retrouver les points communs et les sources de plaisir partagés qui, jadis, éclairaient notre relation telle une étincelante évidence, espérons que nous ne l’oublierons pas :
- J’ai décidé d’arrêter de me projeter et de me recentrer sur des objectifs plus concrets, visées sur lesquelles j’aurai davantage de prise. On est plutôt heureux avec ma femme. Cela nous fait du bien ce confinement. Je me rends compte que la vie est devenue tellement absurde. Les gens cherchent à sortir de leur état d’esclavage en gagnant plus et toujours plus. Car l’argent donne sans doute un semblant de liberté. Avant la crise sanitaire, c’était inimaginable de penser un projet professionnel plus proche de mes valeurs profondes, moi qui suis trader. Aujourd’hui j’envisage l’avenir différemment, et recompose avec la définition de la Liberté. Pourquoi ne pas devenir prof après tout ? On a perdu 50% de nos économies depuis le confinement, et … bonne nouvelle, le bonheur n’est pas parti.