EMDR et Trauma : Mécanismes, Résilience et Expérience d’auto-guérison des patients (Ado - Adulte - Psy EMDR Paris)

trauma

Si depuis la formidable découverte faite par Francine Shapiro et la mise en place de son protocole en EMDR, la résilience voire la guérison de la plupart des traumas s’avèrent incontestables, le mécanisme de cette technique neuro-émotionnelle approuvée par les ARS et son pouvoir d’action, quant à eux, demeurent étonnants et encore en pleine exploration scientifique.

Plusieurs hypothèses sont actuellement en cours d’étude.

 

Les mécanismes neuropsychologiques du trauma et de l’Emdr : comment le traitement opère ?

 

« Même si le thérapeute EMDR adresse une affirmation au patient en même temps qu’il lui fait faire des mouvements oculaires, il ne s’agit pas d’hypnose. Pendant une hypnose, l’EEG montre un accroissement des ondes alpha, bêta et thêta, ce qu’on a rapporté à un accroissement de la suggestibilité (…) Les enregistrements EEG, au cours d’une séance de thérapie EMDR, ne montrent pas ces caractéristiques d’ondes cérébrales. Les ondes cérébral des clients, en EMDR, se trouvent à l’intérieur des paramètres normaux de l’état de veille. En EMDR, la personne reste totalement consciente, et elle-même effectivement moins suggestive qu’en temps ordinaire aux informations qui ne sont pas exactes ».

Francine Shapiro, Des yeux pour guérir.

 

Les hypothèses scientifiques actuelles

Une des premières hypothèses avancées pour expliquer l’efficacité de l’EMDR a été de pointer sa similitude avec la phase de sommeil paradoxal (pendant laquelle ont lieu les rêves et les mouvements rapides oculaires).

 

  • Cette hypothèse a été réétudiée par Stickgold (1998) sous une nouvelle forme. Le sommeil paradoxal ordinaire permet la production de l’acétylcholine ou en d’autres termes d’appuyer sur le frein émotionnel pendant la relecture du souvenir négatif qui est en train de s’inscrire en mémoire épisodique et sémantique à long terme. Dans le contexte d’un danger imminent, en revanche, le déclenchement de l’adrénaline sert d’accélérateur pour agir. Lorsqu’il s’agit de survie, cet accélérateur dépasse fortement la vitesse autorisée par le cerveau, et l’excès hormonal ainsi diffusé peine à se disperser. L’intégralité de la substance ne peut pas être entièrement digérée ni freinée au cours du sommeil. Cet excès de production d’adrénaline devient toxique, blesse le cerveau, et se traduit par un trauma psychique. Des réseaux de neurones seraient ainsi endommagés par cette surcharge en adrénaline au niveau du cerveau d’une part et insuffisamment freinée par l’acétylcholine en retour.

 

  • L’EMDR aurait pour effet de venir en aide au cerveau émotionnel en appuyant  davantage sur le frein, le temps que le traumatisme soit mieux digéré. (Roques 2004, 2006, 2008).

 

  • Une vision complémentaire est soutenue par Armstrong et Vaughan (1998) qui remarquent que les mouvements occulaires rapides bloquent une réaction biologique du souvenir traumatique. Ceci aurait pour effet de produire un effacement accéléré du matériel traumatique.

 

  • Selon Nicola (1994), une synchronisation des hémisphères cérébraux durant la pratique des Stimulations bilatérales alternées (mouvement oculaire, auditif ou tapotement) serait de nouveau effective et conduirait à une restructuration du vécu du souvenir. De telles restructurations permettraient la connexion à de nouvelles associations et solutions.

Les métaphores pour comprendre l'EMDR

Dans tous les cas, les personnes souffrant du syndrome de stress post traumatique (SPT) ont vécu une impuissance partielle ou totale durant cet événement. Il est donc indispensable, pour le patient durant le re-traitement de l’information traumatique, de disposer de la plus grande stabilité émotionnelle possible et du contrôle concernant ce qui va se pratique durant les séances d’EMDR.

Aussi, je propose régulièrement des métaphores pour mieux cerner, comprendre, et partager aussi ses mécanismes d’action auprès des patients.

Dans mes articles précédents sur le sujet, je faisais déjà référence :

  • à la métaphore du parking sombre et des clefs recherchées au mauvais endroit, rendant le traitement du traumatisme inopérant,
  • au bateau disposant d’un gouvernail en tant que cerveau rationnel, mais dirigé par sa voile et un vent indépendant, son cerveau émotionnel, pouvant à tout moment reprendre le contrôle total,
  • ou encore à une bibliothèque mnésique que l’EMDR permet de réorganiser durant le re-traitement de l’information, en archivant les lectures traumatiques et redonnant plus d’espace sur les étagères pour la mise à disposition d’autres souvenirs.

De façon plus élargie, je retrouve de nombreux parallélismes entre la pratique de l’EMDR, les traumas psychiques et les différentes thématiques traitées dans la célèbre série de Stranger Things. Attention dans ce qui va suivre, « Spoiler Alerte » pour ceux qui ne l’ont pas encore vue.

 

L’acrobate et la puce dans Stranger Things

acrobate

Pour répondre aux interrogations des enfants au sujet des univers parallèles, M. Clarke se sert de la métaphore d’un acrobate marchant sur une corde raide. Cet acrobate peut avancer ou reculer sur la corde, mais ne peut marcher dans aucune autre direction. Imaginons une puce sur cette corde. Elle peut faire des va-et-vient et se déplacer sous la corde. Elle peut coller aux surfaces, ce qui lui donne une autre « dimension de mouvement » que celles de notre acrobate.

Dans Stranger Things, le trauma ou en d’autres termes le monstre peut être comparé à la puce, car il peut se déplacer librement entre le monde à l’envers (le dessous de la corde) et notre monde (le dessus de la corde). Le monde à l’envers correspond au reflet assombri de notre monde réel, tel un négatif photo qui teinterait toutes les pensées et les sentiments de morbidité.

Un monstre tout-puissant

Parfois l’acrobate, bien ancré dans le monde à l’endroit, retourne sur les traces de son passé, mais quand il regarde derrière lui, il ne voit pas toujours ce monstre tapi dans l’ombre (accroché en dessous de la corde dans le monde à l’envers).

L’acrobate se fait alors souvent surprendre par le trauma qui peut ressurgir à n’importe quel moment, de la même manière que le cerveau émotionnel peut reprendre le contrôle sur le cerveau rationnel, qui est mis hors service.

Le Monstre a également une vie autonome et, issu du cerveau émotionnel, il réagit de la même façon, autoritaire, imprévisible et irascible.

La brèche

Comme l’acrobate, nous avons tous nos moments de fragilité psychique : des événements de vie, des situations moins avantageuses, des pertes physiques et symboliques…

Et comme la mémoire fonctionne par analogie, n’importe quelle situation qui nous rappelle une des composantes de ce que l’on a vécu (odeur, voix, parole, prénom, couleur, geste, situation …) peut suffire pour nous rappeler le souvenir traumatique complet. 

Alors, le monstre attend patiemment qu’une petite brèche entre les deux mondes se présente et s’ouvre à lui pour ressurgir et contaminer le monde à l’endroit.

Se confronter au monstre

Lors du traitement en EMDR, nous prenons une photo mentale de ce qui est le plus douloureux en lien avec ce monstre. Le clinicien EMDR regarde avec le patient cette image, mise en pause dans le présent, alors qu’elle est du passé. Plus l’image est regardée durant le traitement EMDR, plus le patient est ramené au présent, et plus le monstre perd de sa superbe.

Le praticien soutient le patient et l’aide à se confronter de nouveau à ce monstre qui, dans le présent, ne peut plus lui nuire. Le thérapeute et le patient forment une équipe, une alliance basée sur la confiance et la protection.

L’acrobate avance sur sa corde tandis que la puce est replacée derrière lui, au passé dans le monde à l’endroit, bien visible, identifiée et maintenant digérée émotionnellement.

Chaque chose à sa place

De la même manière, l’héroïne Onze dispose du pouvoir télékinésique pour faire bouger les objets et immobiliser les assaillants.

Ainsi, l’acrobate peut également regarder en arrière et percevoir le monstre inoffensif car immobilisé à l’endroit où il s’est manifesté dans le passé, sans possibilité de continuer à se balader sur la corde, que ce soit dans le monde à l’endroit où à l’envers.

De la même façon que dans Stranger Things, les traumatismes complexes et profonds nécessitent plus de temps et d’apprivoisement pour les approcher et les traiter en toute sécurité.

Aussi, les cliniciens travaillent progressivement, du souvenir le moins pénible au plus terrifiant.

Onze commencera, quant à elle, par combattre le Démon Gorgon, puis après avoir gagné en force, elle s’attaquera au Flagelleur Mental, pour finir avec Vecna, le plus redoutable, au moment où elle aura aussi suffisamment gagné en résilience personnelle.

Comment opère cette résilience ?

Onze repense à son amoureux et ses amis pour faire grandir cette force en elle, de la même façon que la musique permet à Max de se recentrer sur elle et de rester rattachée au monde à l’endroit.

 

De la fiction à la réalité : Expérience d’auto-guérison des patients en Emdr

 

"L’apprentissage accéléré qui se produit avec l’EMDR ne sert pas qu’à passer du dysfonctionnel au fonctionnel : on peut également passer du fonctionnel à l’exceptionnel." Francine Shapiro, Des yeux pour guérir.

jeune pousse

 

Cette résilience, propre à chacun de nous, est bien souvent enrichie du registre affectif, des victoires personnelles, des belles rencontres gratifiantes, tous ces souvenirs positifs qui construisent notre histoire, nous ancrent dans le réel et dessinent nos projets de vie.

L’EMDR à travers sa cartographie des ressources, a également à cœur de souligner auprès du patient ces moments de vie heureux qui font sa force et sa détermination présentes à ce jour, et qui vont lui permettre d’affronter son traumatisme pour retrouver le chemin de l’apaisement.

Le travail du traitement adaptatif de l’information (le TAI) permet de faire grandir les représentations enfantines et leur donne une forme plus actualisée.Ce traitement repose donc sur les ressources et la résilience de chacun pour activer ce processus en soi.

En voici deux exemples qui m’ont particulièrement marqué par leur inventivité, intelligence émotionnelle et parfois même humour, pour preuves que l’énergie vitale peut tout transformer et sublimer !

 

L'expérience EMDR de Jessica

Jessica me rappelle Simone Veil, elle fait partie de ces femmes phénix qui renaissent des cendres, qui survivent à tout, même à l’impensable, en faisant preuve d’une résilience intérieure hors du commun, nourrie par la gratification qu’elles perçoivent en toutes choses, les plus simples et essentielles. 

Jessica n’a toutefois pas bénéficié de l’amour de ses proches comme Simone, et en cela, elle s’en trouve d’autant plus remarquable. Bien au contraire, Jessica est née et a vécu toute son enfance et adolescence dans ce qui s’apparente justement à un camp de concentration familial.

Parmi les innombrables traumatismes à traiter et que nous avons progressivement ciblé, il en est un qui témoigne tout particulièrement de la force mentale et de l’intelligence émotionnelle de Jessica. 

Régulièrement agressée sexuellement, cette fois ce fut en groupe, envoyée par l’un de ses proches dans ce que l’on pourrait appeler un guet-apens. Alors que le traitement d’EMDR débute, je vois une larme silencieuse couler sur le visage de Jessica, si digne et déterminée. 

Les associations de pensées la ramène sur les lieux, Jessica revit l’incompréhension puis la surprise et l’effroi.

Les sensations reviennent. Une image floue de trois hommes. Puis des têtes d’animaux. « Oui je me souviens maintenant que je leur donnais des noms d’animaux, c’est étrange mais j’avais oublié, en fait pour moi ce n’était que des animaux ». 

En leur assignant à chacun un portrait d’animal sauvage, Jessica a placé cette distance salvatrice entre elle et eux. Alors qu’elle se penche vers la petite fille qu’elle a été, Jessica pose maintenant un regard tendre et admiratif sur l’intelligence dont elle a su faire preuve : « c’est étonnant, j’étais jeune et déjà très maligne, j’ai de l’admiration pour la petite fille que j’ai été ». 

Jessica et Simone n’étaient pas seulement très intelligentes, grâce à l’amour qu’elles portaient naturellement en la vie, elles ont toutes deux su maintenir et défendre en elles ce qui aurait pu pourtant leur être maintes fois arrachée, leur humanité.

L'expérience EMDR d'Amélia

Amélia, une femme d’une quarantaine d’années m’a longtemps consulté autour de questions liées à la maternité. Une fois son long parcours de PMA finalisé, d’autres problématiques plus anciennes se sont réactualisées, relevant de traumatismes profonds qui ont jalonnés toute son enfance. 

Amélia a toujours connu sa mère, atteinte d’une maladie très lourde (dégénérescence musculaire), souffrant et s’affaiblissant au fur et à mesure des années. Malgré une endurance qui force l’admiration, Amélia se sentait effondrée à chaque fois que l’on évoquait la situation de sa mère.

Nous décidons alors de cibler en EMDR un souvenir très marquant pour elle, l’image d’un retour d’hospitalisation durant lequel Amélia, alors âgée d’une dizaine d’années, remarque la façon dont les jambes de sa mère ont été pansées, « saucissonnées » me dira-t-elle. 

Alors que le traitement EMDR débute, de nombreuses abréactions (pleurs violents) viennent parasiter son cheminement de pensée, mais Amélia décide de s’accrocher et de faire sortir ce qu’elle appelle, elle aussi, « ce monstre en moi ». 

Au fur et à mesure des associations de pensée sollicitées durant les mouvements oculaires, Amélia semble maintenant sauter du coq à l’âne, elle s’en étonne elle-même et me dit qu’elle a faim. Il est vrai qu’Amelia est par ailleurs « une très bonne vivante », à l’humour piquant, qui a toujours assumé son goût pour les bonnes choses de la vie.

Nous poursuivons et Amelia fait maintenant des allers/retours entre l’image passée de sa mère malade, sa mère âgée qui a toujours affronté avec courage les épreuves de vie, et les apéros qu’elle adore faire avec sa famille et ses amis.

Progressivement l’image du passé reprend sa place dans le passé et Amelia se laisse aller comme à son habitude à son humour caustique et de me dire : « en fait le saucisson c’est bon, qu’elle idée j’ai eu d’imaginer la jambe de ma mère saucissonnée ! Je le préfère en apéro». 

La vie a repris ses droits, tout est à sa place, le passé au passé et le présent au présent. Amelia pose aujourd’hui un regard amusé sur la petite fille qui tentait tant bien que mal de comprendre ce que l’on avait fait à sa mère et de dompter ainsi ses peurs.

Pour finir, je profite de cet article pour remercier chaleureusement ces femmes, de la confiance qu’elles m’accordent en m’invitant à entrer sans détour dans leur vie. Je me suis sentie chanceuse de les avoir accompagnées sur ce chemin, aussi périlleux que passionnant.

fleur

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Celine Bidon - Lemesle, Psychologue Clinicienne, Thérapeute EMDR. Paris.