Les rêves et les cauchemars du jeune enfant

   80% des consultations pédopsychiatriques et psychologiques concernent les troubles du sommeil de l'enfant. Les perturbations nocturnes concurrencent ainsi activement les troubles alimentaires du bébé.   

    Le jeune enfant n'a que peu de ressources autres que le corps pour exprimer ses besoins, ses envies, ses joies, ses peines, ses angoisses... Il est d'ailleurs toujours moins inquiétant de recevoir des enfants qui expriment massivement leurs difficultés par des symptômes « bruyants » qu'au travers de conduites de repli.    

   Alors que le bébé de 0 à 6 mois a mis progressivement en place le cycle circadien (alternance jour/nuit) pour se caler progressivement sur le rythme de ses parents, une accalmie de courte durée est bien souvent engagée. Les phases de développement que le bébé traverse sont nécessaires à l'équilibre de sa vie affective notamment. 

   Car les rêves, les cauchemars sont l'expression des émotions vécues durant la journée du tout petit et qui trouvent leur expression et résolution durant le sommeil. Le repos (et le sommeil qui lui est associé) n'est pas uniquement nécessaire au bébé pour se « réparer » physiquement de sa journée et grandir (sécrétion de l'hormone de croissance par l'hypophyse durant le sommeil), le sommeil le répare également psychologiquement  lorsqu'il rêve. 

   Mais les émotions ne sont pas que seulement positives, un lot de frustrations, d'inquiétudes  jalonnent l'existence de chaque personne dès sa naissance (et même in-utéro) et viennent alors se décliner sous forme de rêve, de cauchemars voire de terreurs nocturnes

 Le cauchemar : au secours, les monstres nous attaquent !

   Les cauchemars commencent généralement entre 2 et 3 ans et restent fréquents jusqu'à l'âge de 5 ans environ. Ils surviennent à tout moment de la nuit durant la phase de sommeil paradoxal. Chaque personne réalise sept cycles de sommeil par nuit mais la plupart du temps, on ne se souvient de son rêve ou de son cauchemar qu'à la fin de la nuit, au moment du 7ème cycle.    

   Dragons, monstres, fantômes... sont autant de créatures effrayantes qui peuplent les nuits de votre enfant. Normal, à cet âge : les cauchemars mettent en scène ses peurs. Il suffit qu'il ait vu un dessin animé avec un chien méchant ou lu un livre avec une sorcière pour que ces personnages reviennent le hanter la nuit ! Grâce aux cauchemars, votre enfant exprime aussi ses frustrations, ses peines, ses angoisses...    

   C'est une étape nécessaire car ainsi, il construit sa réflexion. La peur est le signe de la prise de conscience du danger qui évolue en lien avec le Principe de Réalité. C'est grâce à ce Principe de Réalité que votre enfant sera progressivement capable de gérer ses frustrations, d'accepter de ne plus faire tout ce qu'il veut, au moment où il l'a décidé, parce que la vie impose (et lui impose à lui aussi) de devoir parfois renoncer au "tout plaisir". Généralement, lorsqu'il fait un cauchemar, votre enfant se réveille, crie, vous appelle, court dans la maison pour chercher une réassurance. Il met seulement quelques minutes pour réaliser en votre présence qu'il ne s'agissait là que d'un mauvais rêve ! Il comprend alors que  les rêves et les cauchemars ne sont pas la réalité, même si cela fait très peur! Il est dès lors possible (et nécessaire) de le recoucher dans son lit. 

Comment réagir ? 

   Il est très important de le câliner, de le rassurer en lui expliquant que tous le monde fait des cauchemars, et que ce n'est pas grave, car les monstres n'existent pas. Ainsi rassuré, il se rendormira. 

   Le lendemain, reparlez ensemble du livre ou du dessin animé qui l'a effrayé, relisez-le ou regardez-le à nouveau ensemble afin de lui apprendre à dépasser cette crainte.   Il est important de ne pas dramatiser sa peur mais également de faire attention à ne pas la négliger non plus : rappelons-nous l'angoisse dans laquelle nous nous trouvons suite à un cauchemar. 

   Si votre enfant perçoit que sa peur est banalisée par vous, il risque de retirer la confiance qu'il a en vous et de voir ses peurs se renforcer de plus belle.  

   Il peut également être utile de l'aider à trouver en lui les ressources nécessaires pour lutter contre ces peurs, en jouant lui-même à faire le monstre... pour de rire, en boxant pour de faux le sujet de cette peur, en dessinant le monstre puis en le gribouillant jusqu'à ce qu'il disparaisse, en lui donnant votre confiance pour surmonter ses craintes... en lui suggérant vos « petits trucs et astuces » qui, jadis, vous avaient permis petit, de triompher de tout cela. 

 

 Ce qui peut aussi l'aider à se coucher ou à se rendormir...

-  Installer une petite veilleuse dans sa chambre : comme son nom l'indique, elle « veille » sur son sommeil, au même titre que son doudou et ses peluches. 
-  Laisser la porte entrouverte sur un couloir faiblement éclairé : ainsi, votre enfant ne se sentira pas complètement coupé du monde, ce qui peut suffire à le rassurer. 
-  Le rituel du soir - une petite « inspection » de la chambre, une berceuse ou une histoire et un gros câlin - peuvent aussi aider à dédramatiser le coucher.
-  Il est important de quitter l'enfant avant qu'il ne soit complètement endormi, afin qu'il perçoive à travers cette attitude qu'il n'y a rien à craindre et que son parent a confiance en sa capacité à se séparer pour entrer dans le sommeil. 

Quand les cauchemars persistent et perturbent profondément le sommeil

    Parfois le cauchemar a été très perturbant pour votre enfant, un câlin n'y suffit pas et  il demande à vous rejoindre dans votre lit. Il est important de rester prudent, car c'est exceptionnel, et ne doit être autorisé que pour quelques minutes seulement. 

   Après, l'enfant doit retourner se coucher dans sa chambre, si vous ne souhaitez pas voir perdurer cette pratique dans les jours et mois à venir. Sachez que votre enfant peut également « lire en vous » votre inquiétude.. 

   A travers les réactions de votre enfant, les souvenirs de vos peurs passées peuvent également s'insinuer dans votre jugement. Trop vous identifier à lui peut vous enfermer alors dans un cercle vicieux. 

  Si les peurs et les cauchemars des enfants sont habituels et nécessaires, en être envahi peut devenir le signe d'une anxiété plus profonde, qui se révèle sous forme de troubles du sommeil et qu'il convient de repérer tant du point de vue de votre enfant (sa personnalité, les évenements de sa vie...) qu'en lien avec la dynamique et le climat familial. 

Seule la levée de cette inquiétude plus enfouie, à travers l'expression et la verbalisation de ce qui se joue en toile defond, permettra de dépasser ces problématiques qui viennent faire leur lit dans le sommeil du tout petit.

 

Céline Bidon-Lemesle, Psychologue Clinicienne, Thérapeute Familiale, Formatrice.