Entre baby blues et dépression post partum...

Qu'est ce que le baby blues ?

         Comme le dirait la célèbre humoriste Florence FORESTI, nous sommes bien loin du « blues de Johnny Hallyday », lequel énoncé de façon tellement poétique qu'il serait presque enviable.... Environ 20 à 80 % des femmes passent par cet état émotionnel sensible qui intervient entre le 3 et le 5ème jour après l'accouchement de manière plus fréquente. Il s'agit d'émotions difficiles à contrôler : notamment une fluctuation  l'humeur qui se traduit par l'expression des larmes et qui va durer assez peu de temps pour finalement se résoudre spontanément.       

         Ces crises de larme apparaissaient notamment en fin de journée au moment où la femme est davantage isolée et confrontée alors à son bébé, sans soutien et étayage de la part des équipes soignantes moins nombreuses et de l'entourage qui rentre à la maison.       

      Dans la majorité des maternités, le baby blues devient de plus en plus invisible puisque les séjours se réduisent comme peau de chagrin  à maintenant 2 jours pour les accouchements classiques lorsqu'aucun problème somatique n'est noté. Ce baby blues trouve son origine au moment de la naissance du bébé, à partir du moment où le ventre se vide, où la femme devenue mère perd son « enfant de l'intérieur », celui là même qui était pour elle une source de valorisation personnelle durant la grossesse.        

         D'autres auteurs abordent cette labilité émotionnelle sous un angle plus optimiste en le comparant à une sorte de  mécanisme adaptatif qui permettrait à ces femmes d'avoir une attention plus ajustée aux variations de leur bébé ; car eux aussi présentent cette même labilité émotionnelle du fait de leur désorganisation psychique consécutivement au choc de leur naissance. Il s'agirait davantage d'un réajustement visant à une plus grande réciprocité mère/enfant et invitant cette dyade à une meilleure congruence aux variations du bébé.

Qu'est ce qu'une Dépression Post Partum (DPP) ? 

         Environ 13-15% des jeunes accouchées présentent une DPP et ce, quelque soit leur Classe Socio Professionnelle, alors qu'une femme a entre 20 et 30% de risque de présenter un épisode dépressif sévère sur sa vie entière. La période de postpartum est particulièrement fragilisante et cet épisode dépressif a de forts risques de survenir à ce moment là. 

         Il apparait un premier pic de fréquence important entre la 6ème et la 12ème semaine qui suit l'accouchement et un second entre le 6ème et le 12ème mois de la vie de l'enfant. 

         Parallèlement,  25% de femmes qui ont été déprimées pendant la grossesse, le seront en postpartum. De même, il est rare (3 à 4%) qu'une femme enceinte non déprimée, le soit après l'accouchement. La fragilité qui est peut être perçue durant la grossesse présage grandement d'un risque de dépression postpartum. 

         Alors que la dépression (DPP) n'est pas corrélée aux difficultés obstétricales, c'est la présence du bébé qui en sera le déclencheur. Il va en être le révélateur, puis être acteur de quelque chose auprès de la maman. Notons que la participation du bébé peut être un régulateur  ou en au contraire la favoriser. 

         Les femmes souffrant de dépression Post Partum ne présentent pas de troubles psychiques précédant  leur grossesse, toutefois la plupart d'entre elles ont été sensibles à des périodes de déprime voire ont vécu un épisode dépressif avant leur grossesse. 

         Durant les six premiers mois suivant la naissance de l'enfant, il apparait au premier plan un sentiment d'irritabilité, ainsi que des difficultés d'endormissement et de ré-endormissement après les éveils du bébé. Cela diffère des éveils précoces, décrits dans le contexte d'une dépression plus classique. Les thèmes tournent autour de la fonction maternelle, des craintes, du sentiment d'incompétence, de nullité. La jeune accouchée compose avec la question de la culpabilité vis-à-vis de son bébé. 

          Les plaintes peuvent également se reporter sur le corps. Il est alors essentiel de différencier ces plaintes somatiques spécifiques des plaintes corporelles classiques et habituelles après l'accouchement. L'une des caractéristiques importantes est que le discours de la mère se focalise essentiellement sur ces plaintes somatiques, portant dès lors moins d'attention vis-à-vis du bébé lui-même. Plusieurs degrés de sévérité sont possibles dans le contexte de cette dépression post partum : 

            - Lorsque la Dépression est modérée, ce sont les pleurs, la perte d'appétit, la fatigue inexpliquée et durable, ainsi que les difficultés attentionnelles et cognitives qui apparaissent au premier plan. Ces femmes se plaignent de ne plus être en capacité de se concentrer, se sentent au ralenti sur le plan psychologique et moteur. La mémoire est moins active et la femme a le sentiment de ne plus pouvoir reprendre son activité professionnelle de façon aussi performante qu'avant. 

            - La Dépression peut être plus sévère, la femme mettant au premier plan un sentiment de culpabilité et de dévalorisation important dans ses fonctions maternelles à l'égard de l'enfant. Elle occupe toujours le même discours vis à vis de son entourage qui n'en comprends pas la source et le fondement. Cette femme montre parallèlement des capacités de maternage souvent de bonne qualité mais ne peut s'empêcher de s'éprouver comme mauvaise aux yeux de son bééb et des autres. 

            - La Dépression grave est plus préoccupante, en ce sens qu'il existe des mouvements d'aversion pour le bébé et l'envie de fuir le foyer face à cet envahissement psychique. Cette maman a peur de ne pas pouvoir répondre aux besoins de son bébé qui crée en retour un puissant sentiment de dévalorisation. la peur de pouvoir lui faire mal, de le cogner, de le noyer en lui donnant le bain... apparaissent comme des sentiments en toile de fond, ce qui explique la peur de la jeune mère à s'occuper de son bébé et son envie de fuir la maison, pour la plus grande incompréhension de son entourage. Il est essentiel de ne pas banaliser ces peurs et de permettre à la jeune mère de se sentir entendue et soulagée vis à vis de ce bébé qui lui renvoie des affects négatifs vis à vis d'elle même, afin de prévenir de possibles troubles de la relation mère/enfant. 

            - Enfin, la Dépression peut sous tendre des mouvements d'allure psychotique réversibles à travers l'éprouvé de fantasmes d'infanticides, une désorientation aigue des repères internes et quotidiens... On parle ici davantage de psychose puerpérale qui, une fois la dépression levée, décline à son tour. Ces femmes vivent en quelques sortes des fantasmes crus qui habituellement restent inconscients, donc seulement accessibles durant les rêves et les cauchemars. Les femmes qui vivent ces fantasmes dans leur réalité psychique (scénarri vqu'elles visualisent dans leur tête) sont très angoissées et éprouvent le sentiment de ne pas être en mesure de s'occuper de leur bébé de peur de lui faire du mal. Elles préfèrent le plus souvent le confier à un tiers de confiance pour mettre à distance ces sentiments qu'elles ne contrôlent pas. Rassurer la personne sur ses capacités à devenir mère en lui proposant un travail d'instrospection permet progressivement de faire céder ces peurs. A contrario, si l'entouage panique, la femme souffrant de ces angoisses mortifères ne peut être en mesure de se récupérer. Se confronter dans la réalité au bébé, avec l'aide de professionnels et de l'entourage, et en PARLER demeure les points essentiels qui permettent de faire céder ces fantasmes.  

         Cette évaluation est importante au regard de la dyade mère/bébé, et de l'impact que cette dépression a sur le bébé. Car malgré la dépression sévère, certaines femmes restent pourtant en mesure de s'occuper de leur bébé. 

         Enfin, certains facteurs de risque comme : priver le bébé de sa mère, les facteurs financiers, de manque d'étayage familial et soignant, l'absence de figure substitutive (maternelle)... permettant la continuité des soins du bébé, peuvent aggraver cette dépression. La prévention de ces troubles devrait à terme être d'autant mieux évaluable depuis l'avènement de la consultation du 4ème mois dans les maternités. 

         Dans tous les cas, le travail psychique qu'impose la grossesse nécessite parfois que s'élaborent les reliquats d'une jeunesse douloureuse, venant faire ombrage sur l'image de la future mère. Le travail de la parole est très appréciable de ces mamans et permet, la plupart du temps, un réaménagement psychique notable, favorisant activement la renaissance du lien mère/bébé.  

Si vous souhaitez participer et partager de votre expérience sur ce sujet, j'anime des groupes de parole. Pour en savoir plus cliquer ici

Auto-questionnaire de dépistage de la dépression post-partum
A utiliser 6-8 semaines après l'accouchement
1. Dans les sept derniers jours, j'ai été capable de rire et de voir le bon côté des choses Autant que d'habitude 0
Pas tout à fait autant que d'habitude 1
Moins souvent que d'habitude 2
Pas du tout 3
2. J'ai été dans l'attente heureuse des événements à venir Plus que jamais 0
Un peu moins qu'avant 1
Vraiment moins souvent qu'avant 2
Presque jamais 3
3. Je me suis adressée des reproches inutiles quand les choses allaient mal Oui, presque toujours 3
Oui, parfois 2
Pas souvent 1
Non, jamais 0
4. J'ai été anxieuse ou préoccupée sans raison valable Non, pas du tout 0
Presque jamais 1
Oui, parfois 2
Oui, très souvent 3
5. J'ai été effrayée ou paniquée sans raison valable Oui, souvent 3
Oui, parfois 2
Non, pas très souvent 1
Non, pas du tout 0
6. Je suis dépassée par les événements Oui, la plupart du temps 3
Oui, parfois 2
Non, presque jamais 1
Non, pas du tout 0
7. J'ai été si malheureuse que cela m'empêche de dormir Oui, la plupart du temps 3
Oui, parfois 2
Pas trop souvent 1
Jamais 0
8. Je me suis sentie triste ou malheureuse Oui, la plupart du temps 3
Oui, assez souvent 2
Parfois 1
Jamais 0
9. Je me suis sentie si malheureuse que j'en ai pleuré Oui, la plupart du temps 3
Oui, assez souvent 2
Parfois 1
Jamais 0
10. J'ai eu l'idée de me faire du mal Oui, assez souvent 3
Parfois 2
Presque jamais 1
Jamais 0
TOTAL  

Résultats:
La personne doit remplir selon ce qu'elle ressentait pendait les sept derniers jours et non uniquement aujourd'hui. Un score > 12 signifie une dépression post-partum probable.
Il conviendra alors de la confirmer par d'autres échelles d'évaluation et /ou entretien clinique auprès d'un(e) Psychologue Clinicien(ne)

J'anime également pour les professionnels en maternité et du secteur de la santé des analyses de la pratique professionnelles et des formations sur ce thème (stage B), cliquez ici pour en savoir plus

Céline Bidon-Lemesle, Psychologue Clinicienne, Thérapeute Familiale, Formatrice.