Pour ou contre la fessée

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Pour ou contre la fessée

Bonjour,

La fessée fait partie des punitions "traditionnelles" lorsqu'un enfant a fait une bêtise. Il y a ceux qui sont pour ce mode de punition, avec un parti pris de donner une éducation stricte à leurs enfants, et il y a ceux qui y sont opposés, et sont plus "permissifs".

Et vous, êtes-vous pour ou contre la fessée ? Avez-vous déjà donné une fessée à votre enfant ?

celine-lemesle
Bonjour madame

Vous m'invitez à relancer un débat qui semble encore à ce jour faire couler beaucoup d'encre. Je reçois régulièrement des familles qui m'adressent ces mêmes questionnements.

Or, ce n'est pas un hasard si ces interrogations viennent et re-viennent sur le devant de la scène...

Comme vous le soulignez à juste titre, la fessée a longtemps été vécue en France comme faisant partie intégrante de la « bonne éducation traditionnelle», visant à se faire respecter par la crainte. Depuis l'avènement progressif des lois visant à la protection des enfants, le châtiment corporel a été remis en question.

La fessée a fait l'objet de réflexions, soulignant davantage l'agressivité et la violence qui lui est également associée.

Lorsque les parents exposent les situations durant lesquelles ils ont eu recours à la fessée sur leur enfant, c'est bien souvent dans les moments de débordement affectif.

J'entends fréquemment dans mes consultations : « je n'en peux plus, je ne savais plus quoi faire, il/elle m'a poussé à bout, ou encore... je dois dire que ça m'a soulagé(e)... ».

Il est alors important de comprendre que l'adulte donne la fessée au moment précis où il est « trahi » par ses émotions.

Il s'agit davantage d'une décharge émotionnelle mal gérée, confrontant bien souvent l'adulte à son sentiment d'impuissance et de non contrôle sur la situation.

Cela le conduit à de l'agressivité, voire dans certains cas à de la violence lorsque la situation se répète : l'enfant dit « même pas mal ». L'adulte, se sentant d'autant plus provoqué, peut taper l'enfant de plus belle, cela finissant par faire penser à l'enfant que son parent est méchant, et parallèlement renvoyer au parent un sentiment de culpabilité.

Il me semble également qu'en dehors de l'acte agressif, taper sur les fesses d'un enfant est loin d'être anodin. Il s'agit d'une partie de son corps qui est très intime et qu'il va devoir apprendre progressivement à s'approprier, le corps faisant partie intégrante de soi et de ce fait n'appartenant à personne d'autre qu'à lui. Donner la fessée tardivement, c'est une façon symbolique (détournée) de faire entendre au petit d'homme que ce corps appartient encore à ses parents, qu'il n'est pas autonome et de ce fait, reste dépendant d'eux.

C'est entre-autre là que se jouent les premières sensations érotiques qui conduiront l'enfant (devenu adulte) à éprouver sa future sexualité. Rappelons que d'autres enjeux tout aussi importants se mobilisent également autour de l'acquisition de la propreté.

Revenons à la fonction de la fessée, dans tous les cas, l'interdit ne peut être entendu par le jeune enfant qu'à travers la parole. Le passage à l'acte par le recours à la fessée ou autre châtiment corporel montre que la pensée a été contrecarrée, qu'il n'y a plus de place pour la réflexion. Cela tend à confirmer auprès de l'enfant que son parent est fragilisé et qu'il n'a pas, au fond de lui, la conviction qu'il peut lui interdire cette chose-là, celle-ci...sans en passer par l'acte physique (agissant sur lui sa toute-puissance).

Or, un enfant est avant tout un être de parole, il a besoin de limites pour se construire et principalement qu'elles soient énoncées clairement. Lorsqu'un enfant est tapé suite à une bêtise, son corps imprime en quelques sortes ces traces. La mémoire du corps et des gestes vécus reste inscrite.

Si l'on pousse la réflexion plus loin encore, des études ont permis la mise en avant de phénomènes de répétition du schéma familial ainsi que la difficulté pour l'enfant à résoudre ses conflits en société par d'autres recours que l'agressivité physique lorsqu'il avait lui-même baigné dans un climat violent.

Dans les cas les plus graves de maltraitance active, les enfants ont tendance à banaliser ces actes, à les intégrer dans leur vie quotidienne, ce qui les empêche par la suite de les remettre en question et les amènent à les reproduire sans critique. Mais là, nous nous écartons un peu du thème initial...

Pour conclure, bien que le sujet mériterait encore de nombreux développements, il est essentiel d'identifier dans quel état affectif l'adulte se trouve au moment où il donne la fessée, afin de mieux comprendre les enjeux qui l'animent, ce qui garantit une plus grande communication auprès de son enfant. Pour ma part, je pense que la créativité éducative de chacun doit continuer de s'exercer avec conviction, relais, valeur et confiance en soi.

Céline Lemesle, Psychologue