Chère Madame,
Je suis maman d'un petit garçon de 5 mois, son papa et moi-même sommes extrêmement heureux car il nous remplit de joie mais notre couple subit une crise depuis sa naissance.
Mon mari s'occupe très bien de notre fils mais son comportement envers moi a beaucoup changé. Il est souvent de mauvaise humeur, désagréable, distant et parfois méprisant alors que c'était un homme joyeux et attentif.
J'ai l'impression qu'il se renferme sur lui même, j'essaye de lui parler mais nous n'avons plus de conversations sur les sujets de la vie quotidienne.
Je lui ai exprimé mon désarroi en lui expliquant que son comportement me faisait souffrir et que j'avais le sentiment qu'il ne m'aimait plus.
Il m'a répondu que ses sentiments sont intacts mais qu'il ne comprend pas ce qui lui arrive. Il a conscience de son attitude a changé et que ce n'est pas normal de se comporter ainsi mais il n'arrive pas a se l'expliquer.
Je ne sais pas si ça peut avoir une incidence mais son père l'a beaucoup rabaissé étant enfant (et encore aujourd'hui). Mon mari est pourtant un homme honnête, loyal, généreux, courageux et qui a bien réussi professionnellement mais ce qu'il fait n'est jamais assez bien pour son père.
J'aime mon mari et je ne voudrais pas en arriver à la séparation mais cette situation dure depuis plusieurs mois et le quotidien n'est plus vivable. Je ne sais plus quoi faire...
J'ai lu un article qui traitait du baby-blues des papas et j'y reconnais mon mari. Qu'en pensez-vous? Comment y remédier?
Je pense que vous êtes une femme aimante et perspicace. Si effectivement, votre mari présente tous ces symptômes, il peut en effet s'agir d'une depression post partum au masculin. Le baby blues, comme pour les femmes n'est que passager.
La dépression, plus durable dans le temps (de 6 mois à 1 an) est suscitée par la présence du bébé, sa venue au monde, que ce soit pour les femmes comme pour les hommes.
La clinique en psy parle beaucoup moins du choc que peut provoquer l'arrivée d'un bébé chez le papa. Peut être aussi parce que leur implication et reconnaissance dans la vie sociale et familiale reste encore très récente, 10-15 ans tout au plus.
Aussi, les chercheurs et cliniciens ont peu de recul pour faire des statistitiques à ce sujet mais reconnaissent que leur rôle et place au sein de la famille s'en trouvent radicalement changées. Certains hommes réagissent de façon très brutale (décompensation psychiatrique immédiate ou à rebours), d'autre présentent une réaction plus insidieuse, une déprime peu bruyante mais lanciante et s'incarnant dans tous les gestes de la vie quotidienne, une irritablité, fatigue....
Il est probable que ce petit garçon lui rappelle le petit garçon qu'il a été pour son propre père et qu'il tente de réparer sa relation à travers lui.
Dans ce contexte, il ne lui est pas permis de s'engager dans le rôle qui est le sien, à savoir faire tiers au sein de la relation fusionnelle mère/fils.
Cela doit probablement convoquer en lui des fantasmes tyranniques qu'il craint de repérer puis de répéter malgré lui. Une certaine passivité peut dans ce contexte prévenir ces usages éducatifs.
Bien entendu tout ceci demeure inconscient et si votre mari n'a sans doute pas envie d'ouvrir "la boite de Pandore", il semble pourtant se représenter le malaise qui siège en lui. C'est probablement ce qui assure un meilleur pronostic pour l'avenir et la possibilité pour lui de consulter que ce soit seul ou avec vous.
Faites lui la proposition de l'accompagner à un premier rendez vous si cette proposition lui apparait difficile dans un premier temps. Il entendra nécessairement votre démarche bienveillante.
Vous concernant, il est important de comprendre les mécanismes de la dépressison chez un proche. Si elle ne se carcatérise pas toujours avec la même intensité et l'ensemble des symptômes du tableau général, l'anesthésie affective y est souvent présente. Il ne s'agit pas d'un mésamour de sa part, mais plutôt de l'impossibilité pour votre mari de ressentir les émotions. Il s'agit d'un processus chimique de nature neurologique qui peut aussi s'interpréter cliniquement sous forme de protection du sujet qui en souffre. Car lorsque la détresse est trop profonde, cette distance affective peut apparaitre salvatrice. Les proches sont souvent désemparés par cette réaction et peuvent penser ne plus être aimé, mais ce n'est jamais le cas.
Il faut laissser le temps à la personne pour sortir de cet état de mal être, c'est à dire comprendre ce qui se joue en toile de fond ou en d'autre termes, les raisons qui le font déprimer.
Une depression, bien que très perturbante dans une famille, signe toujours un sens, elle est bien souvent la marque d'un besoin de changement, de rupture avec un état antérieur qui dysfonctionnait jusque là mais dont la personne se staisfaisait encore ; lorsque la dépression survient, elle est le signe de remaiements internes profonds qu'il convient de respecter, probablement de remaiements identitaires dans le cas d'une naissance.
Avec patience, amour et accompagnement thérapeutique en lien avec un professionnel psychologue ou psychiatre associant une fonction de thérapeute,les choses s'amélioreront.
Gardez confiance en la résilience de votre mari et ses ressources n'en seront que plus mobilisées.
Céline Bidon-Lemesle, Psychologue Clinicienne, Formatrice, Thérapeute Familiale.
Céline Lemesle, Psychologue