« Légères comme des ballons qui l’élèvent ou emmêlées comme des fils qui l’emprisonnent, entre un petit garçon et ses émotions se joue une comédie subtile où chacun de nous, petit ou grand, se retrouvera ». Les mots philosophiques et parfois érudits appellent de bons lecteurs maitrisant la notion des concepts et appréciant la langue française. Chaque double page est à observer, dans la subtilité des liens qui unissent la lettre de l’alphabet, le décor, la situation dans laquelle se trouve l’enfant et qui donne ou a donné naissance à l’adjectif illustré. Ainsi, le A majuscule d’Audacieux emprunte sa calligraphie au mur de pierres ocre auquel s’affronte l’enfant ; le P de Patient est composé de pièces de puzzle que l’enfant essaie de recomposer. Justesse de l’illustration, justesse des situations : on est ému par le petit «Minuscule », glissé dans la poche d’un tablier, à côté d’un crayon ou à l’inverse le petit « Fort » qui a besoin de la projection de son ombre pour s’en convaincre. La tonalité d’ensemble est plutôt mélancolique comme en témoigne « Joyeux » où l’enfant sur le dos nage dans une piscine comme s’il allait s’y fondre, ou « K.O » comme un vieux bonbon abandonné. A travers toutes ces situations se dessinent des interrogations existentielles, et face à l’ensemble des portraits apposés sur un mur, est-ce que je suis « Quelqu’un ? » Tantôt « Vulnérable » tantôt «Wahou ! », le petit s’envole vers les rêves de son sommeil « Zzzzz… » Les émotions, réactions affectives intenses, généralement provoquées par des stimulations venue de l’environnement trouvent ici des illustrations parlantes et plausibles qui susciteront des commentaires et peuvent laisser place à l’expression de la subjectivité de chacun comme l’y invitent les dernières pages de l’album « Et toi ? Comment te sens-tu ? ». Un album d’une grande richesse que j’utilise régulièrement en thérapie enfant avec les plus grands et les ados, à lire, regarder, méditer d’une traite ou par fragments ; seul ou à plusieurs. A partager.