Attachement et Séparation : comment aider son bébé à grandir ?

   Le bébé est constamment dans l'obligation de négocier les séparations d'avec ses parents, cela commence à l'accouchement, il fait l'expérience d'une dépendance majeure puisqu'il passe d'un milieu aquatique autonome à un milieu terrestre dont il ne connait rien. Le bébé étant dépendant pleinement de son parent, le voir disparaitre est insupportable, il s'en défend en criant, en l'appelant. 

Comment se construit le sentiment de sécurité affective chez le bébé ?

   Les bébés auront toujours besoin d'être enveloppés et serrés dans les bras pour développer un sentiment de sécurité affective. La plupart des études actuelles montrent à ce sujet que le sentiment de sécurité affective du bébé et plus tard chez le jeune enfant est lié à la qualité de l'attachement originel tissée avec l'adulte de référence. 

   Il ne s'agit pas tant pour la maman d'être présente tout le temps sur la première année de vie de son enfant, mais plutôt d'être très disponible et régulière vis-à-vis des attentes de son bébé. Un bébé qui appelle, a besoin d'aide, du fait de sa grande prématurité au monde. Il reste très dépendant de ses parents encore très longtemps. 

   Au début de sa vie, le bébé communique  de façon primaire et a besoin que sa mère décode, mette du sens sur ce qu'il ressent. La mise en mot, la réassurance, et la prévisibilité de ses réactions sont autant de repères dont le bébé a besoin pour se sentir aimé et grandir harmonieusement. 

   Puis progressivement, le bébé pourra s'apaiser en trouvant son pouce, sa tétine, quelque chose à sucer dans la bouche (chiffon, doudou)... L'adulte référent, en lui témoignant sa confiance, observera la capacité de son bébé à se rassurer progressivement seul. Le bébé apprécie de pouvoir humer le sein de sa mère, puis le lait et la nourriture qui lui est proposé avant de l'avaler. 

   La plupart des bébés s'apaisent plus facilement en présence de l'odeur maternelle (et non en présence de l'odeur du lait). Les très jeunes bébés apprécient également de se lover dans les bras, d'être enveloppés dans des gigoteuses près du corps et également de se sentir très contenus dans leur lit. Ils se collent dès qu'ils le peuvent contre l'une des parois de leur lit, retrouvant alors le contact utérin initial lorsqu'il était ce fœtus dans le ventre de leur mère.

Un enfant que l'on veut autonomiser trop vite vit une entrave à son développement affectif

   Si les habitudes africaines en matière de portage, de maternage, d'allaitement ...ont longtemps été contestées et associées à des pratiques favorisant la dépendance de l'enfant à sa mère, aujourd'hui les études nous montrent qu'un enfant sécure (sécurisé affectivement) est un enfant qui n'a pas été dans l'obligation de renoncer trop rapidement à la réassurance et à la présence maternelle, et notamment la nuit. Ce qui explique probablement à ce jour ce nouvel engouement pour la pratique du « co-dodo». 

   Attention entendons par co-dodo, lit du bébé dans la même pièce que la maman, ou juxtaposé au lit parental. Rappelons que les risques d'étouffement ou de chute du bébé lorsque celui-ci dort à même le lit parental s'avèrent par ailleurs très élevés. 

   Aussi, un bébé qui n'est pas porté, un bébé qui n'est pas tenu, un bébé qui n'est pas bercé aura probablement plus de difficulté à grandir paisiblement. Ce qui permet à l'enfant de grandir et de s'autonomiser, contrairement aux idées reçues, est à ce jour validé par plusieurs études cliniques : plus l'enfant est proche du corps de sa mère dans la première année de sa vie, plus il sera à même de parcourir le monde, de le visiter pour quitter « avec tranquillité » les jupons de sa mère. 

   Un enfant que l'on souhaite autonomiser trop rapidement vit une entrave à son développement affectif et crée en lui un manque, une carence, un sentiment abandonnique dont il aura bien du mal à se réparer au cours de sa vie. Les mamans allaitantes peuvent appréhender ce moment qui les sépare corporellement de leur bébé (reprise du travail, position personnelle, demande du père, souhait ou nécessité pour le bébé...). 

   Certaines femmes vivent cet instant comme « un arrachement » vis-à-vis du lien originel établi entre elle et leur bébé. C'est probablement aussi le moment où ce temps totalement dédié au bébé, connu sous le nom de «préoccupation maternelle primaire », s'effrite peu à peu pour laisser davantage de place à l'identité et la fonction de femme. 

   Pour certaines femmes, il s'agit alors de faire le deuil de cette relation privilégiée au bébé et ce qui n'est pas toujours aisé, car les sentiments sont souvent emprunt d'ambivalence. Elle peut se dire alors : « j'aime bien l'idée de reprendre mon travail, mais mon bébé a besoin de moi, et il me manque déjà alors je culpabilise de cette situation infernale... ».  

 Les premières étapes fondatrices de cette séparation        

   L'une des étapes fondatrice de cette séparation corporelle prend forme à travers la diversification alimentaire entre le 5ème et le 6ème mois de vie du bébé. Cette période cruciale, de grand changement pour lui, comme pour ses parents, lui permet ainsi de découvrir un nouvel aspect du monde. 

   Cette découverte de nouvelles saveurs gustatives permet au bébé de se tourner vers le monde. Cette nouvelle expérience très forte et enrichissante pour lui se doit pourtant d'être accompagnée par la bienveillance du regard maternel. 

   L'adulte l'incitera par son regard et à travers son positionnement intérieur (ses pensées non exprimées verbalement) à s'engager plus ou moins activement vers ce « travail du grandir ». 

   Dans certaines situations problématiques (non organique), le bébé peut manifester de l'opposition pour s'alimenter autrement que par le lait, laissant alors présager d'un message dédié à ses parents. 

   Le bébé perçoit en effet les mouvements psychiques de ses parents et sa loyauté envers eux peut le conduire à mettre en scène certains symptômes. 

   Le refus de s'alimenter devient alors un motif de consultation particulièrement récurrent au même titre que les troubles du sommeil. 

   Certains enfants qui refusent de s'alimenter peuvent ainsi rendre compte indirectement de drames familiaux, de problématiques parentales, lorsqu'il n'existe pas de trouble ou de maladie organique chez le bébé. Il est alors nécessaire de consulter.

Comment s'exprime l'angoisse de séparation chez le jeune enfant

   Le bébé aborde progressivement une nouvelle phase qui l'organise psychiquement : nommée l'angoisse de l'étranger. C'est entre 8ème et 12ème mois que le bébé commence à comprendre progressivement et à réaliser que sa famille le quitte et il éprouve cette séparation dans le temps de façon plus aigue. 

   Se différencier du corps de maman implique de devoir faire face à soi même, au regard de son incomplétude. Le bébé même s'il acquiert en motricité, en éveil... reste encore dépendant de ses parents. Il se rend compte dans le même temps qu'il est confié à des personnes étrangères à sa famille ; étrangères et distinctes de lui. 

   Cela peut l'effrayer pour un temps. Les séparations sont plus difficiles pour le bébé mais aussi pour son parent qui perçoit en son bébé davantage de désespoir voire de l'angoisse. Il est alors important d'éviter les trop longues séparations (absence du et des parents durant plusieurs jours). Là, où à quelques mois, le bébé n'éprouvait pas nécessairement de perturbation dans son comportement à la séparation prolongée de sa famille, le bébé qui traverse cette phase de développement y sera très sensible. 

   Pas de crainte à avoir, cette phase trouvera sa résolution en son temps. Cette angoisse est naturelle et nécessaire à l'évolution du bébé. Cela signifie qu'il grandit. En revanche ne pas traverser cette phase pour un bébé sur cette période de sa vie est inquiétante, et demande l'avis d'un spécialiste.

Grandir, c'est gérer ses pulsions

   Plus tard encore, les jeunes enfants ont tendance à s'exprimer par le biais de la morsure. Notons qu'il s'agit d'une façon pour eux de communiquer, d'entrer en lien avec leurs pairs (enfants du même âge) et non d'une agressivité majeure. C'est toujours difficile pour les parents d'apprendre ou de voir que leur enfant a été mordu, cela l'est généralement tout autant pour les parents d'enfants « mordeurs ». 

   Cette façon d'entrer en lien avec ses pairs (enfant du même âge) est souvent présente de façon ponctuelle chez les jeunes enfants aux alentours de 12-18 mois, elle s'interrompt généralement rapidement et dans ce cas elle ne revêt pas de caractère pathologique. 

   Car l'enfant grandit, prend connaissance du monde qui l'entoure et communique par la bouche depuis qu'il est né, il tête, crie et porte tout objet à sa bouche pour découvrir progressivement son environnement, le milieu dans lequel il vit. Il réutilise naturellement cette façon d'entrer au monde par la bouche. 

   La gestion et le contrôle des pulsions agressives fait partie intégrante de la vie et c'est très tôt qu'il est alors important de signifier au bébé qu'il doit se contenir (lorsqu'il commence à tirer les cheveux de mana, à griffer le visage..), que ce n'est pas acceptable de s'exprimer comme cela envers maman, papa... 

   Attention, les enfants nous imitent. Ne leur demandons pas de faire le contraire de ce qu'ils perçoivent chez nous, ce ne serait pas cohérent pour eux ! L'imitation est la capacité la plus développée chez le bébé, car c'est cette fonction, associée à celle de l'empathie (être capable de s'adresser à l'autre, de penser l'autre dans sa différence) qui lui permet d'apprendre tout ce dont il a besoin pour grandir et se développer. 

   Un interdit, énoncé fermement et avec authenticité de la part de son parent concernant la morsure, suffira dans la plupart des cas à faire céder cet agissement, ce mode de communication. 

   Si cette conduite perdure au-delà de deux ans, le fait de mordre de façon récurrente sur le long terme questionne le lien que l'enfant a établit à ses parents et que ses parents ont établis avec lui, bien souvent la famille s'est construite sur une dynamique « dite fusionnelle ». 

   Ce sont alors beaucoup d'échanges de bisous, de papouilles, la communication passant préférentiellement voire exclusivement par le corps à défaut des mots, de la parole. 

   Ces parents ont du mal à se détacher (corporellement et psychiquement) de leur enfant, perçu comme un bébé étant dans l'impossibilité de se défendre, de communiquer autrement que par le corps... ce qui induit le comportement de l'enfant, toujours loyal et souvent conforme au désir (même inconscient) de ses parents. 

   Ces pensées sont bien souvent non volontaires et la mise en mot de ce processus auprès de la famille et de l'enfant permet bien souvent de faire évoluer positivement la situation. 

Quelles astuces permettent au bébé de se séparer tranquillement de ses parents ?

   Afin de rassurer le bébé au moment de la séparation, et notamment de l'endormissement, la maman pourra placer le doudou dans son cou ou proche de son sein, voire sous son aisselle, avant de le redonner au bébé. 

   Voilà pourquoi de nombreux bébés aiment placer, dès qu'ils deviennent plus autonomes, leur doudou sous ou sur leur nez. Ils retrouvent pour un temps l'immersion olfactive dans laquelle ils gravitaient lorsqu'ils étaient installés dans le ventre maternel.Mais pour l'heure, les bébés apprécient les massages et les rassemblements corporels visant à unifier leur enveloppe corporelle. 

   Les bains chauds et secs (à l'aide de tissus de matières différentes comme le velours, le coton, l'éponge...) permettent également au bébé d'identifier pas à pas les sensations provenant de son corps et de faire la différence avec ce qui vient de l'extérieur. Les enveloppements dans des serviettes chaudes mouillées ou sèches, des couffins s'ajustant au corps du bébé sont autant de médiations qui étayent le bébé dans des ses sensations corporelles encore archaïques. 

   Conjointement, toute activité qui leur permet d'expérimenter les gouts, les odeurs, les différentes températures et textures sur le corps aide au travail du grandir en perspective de cette séparation. 

   Plus tard, chez le très jeune enfant, les ateliers patouilles, que ce soit à l'occasion d'un atelier art plastique ou du repas, seront très appréciés. Finalement, les bébés qui aiment les jeux d'eau (si les parents ne les craignent pas), comme le bain, la piscine retrouvent à travers cette activité tierce de nouveaux contenants autres que ceux apportés directement par leur mère.

   C'est le début d'une possible séparation corporelle entre la mère et son bébé, même si ce contact reste nécessaire encore pour un long moment, c'est la question du dosage qui est ici en jeu. 

   Pour se sentir de mieux en mieux distinct du corps maternel et appréhender progressivement leur propre corps, le bébé va passer par une succession d'étapes développementales lui permettant progressivement de se sentir exister en dehors de sa mère et de son père (la diversification alimentaire, l'alimentation en morceaux, la marche, la propreté, l'autonomie dans la vie quotidienne, puis les apprentissages scolaires....). 

 

   Lorsque des difficultés liées à la séparation persistent et viennent s'insinuer dans le quotidien, plusieurs dispositifs peuvent être engagés : 

-          Vis à vis des troubles alimentaires du bébé, les consultations appelées « repas thérapeutiques » permettent dans certaines unités parents / enfants de mettre en scène le quotidien et d'en retrouver les particularités, des indices, que les professionnels peuvent dès lors mettre en sens, ceci favorisant une meilleure communication au sein de la dynamique familiale et permettant progressivement de lever ces symptômes. 

-         L'atelier « goût », habituellement construit sur les bases théoriques de la Stimulation Basale, convient également aux enfants qui connaissent quelques difficultés de déglutition, à positionner correctement leur langue dans la bouche, qui salivent beaucoup, qui ont du mal à s'alimenter.... 

-          De même, les consultations parents/bébé permettent de mettre en relief les enjeux qui sous tendent ces liens, et qui ne sont pas conscients. Les réactions du bébé, ses jeux lorsqu'il est en âge de symboliser sont autant de pistes que le thérapeute peut mettre en évidence auprès des parents, leur donnant accès ainsi à d'autres façon de percevoir leur enfant.

   L'ensemble de ces médiations thérapeutiques sera l'occasion pour les parents d'observer son bébé, de mieux identifier ses besoins, de comprendre à travers ce temps de vie quotidienne partagé avec un tiers professionnel les émotions échangées entre le bébé et ses parents à ce sujet, ainsi que les messages implicites adressés les uns aux autres. Ce travail thérapeutique initié par ses parents garantira alors au bébé une meilleure contenance et sécurité psychique, l'invitant à développer une plus grande autonomie.

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Céline Bidon-Lemesle, Psychologue Clinicienne, Thérapeute Familiale, Formatrice.