Définition et contexte d'apparition au sein de notre société
L'épuisement professionnel est surtout connu sous l'appellation anglaise burnout. Selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), il se caractérise par « un sentiment de fatigue intense, de perte de contrôle et d'incapacité à aboutir à des résultats concrets au travail »
Il s'apparente à l'analogie de la « maison brûlée » tant du point de vue corporel que psychique. Les conséquences sont très lourdes et il est difficile de remonter la pente, car les signes sont souvent déniés et insidieux. C'est une fois que l'individu se sent vidé, qu'il est arrêté dans sa quête de surenchère, qu'il finit alors par s'écrouler, il n'a pas entendu ses limites psychiques et corporelles et c'est bien souvent dans un état déjà bien avancé que le sujet est conduit à s'interroger sur ce qui lui arrive.
Le concept a évolué depuis les années 70, période à laquelle le Burn out était essentiellement associé aux employés du domaine de la relation d'aide, très engagés émotivement dans leur travail, comme les infirmières, les médecins, les travailleurs sociaux et les enseignants. Depuis les années 90, tout salarié, notamment dans notre société industrialisée, est susceptible d'y être exposé : de l'ouvrier au chef d'entreprise, ce qui commence à alerter les pouvoirs publics sur le sujet.
De nos jours, ils constituent la première cause d'absence prolongée du travail, couramment appelée « invalidité de longue durée » et sont la conséquence de mutations profondes au niveau du travail : globalisation des marchés, compétitivité, précarité professionnelle, développement trop rapide des nouvelles technologies de l'information...
Quelques statistiques
Les études canadiennes révèlent qu'un peu plus du quart des travailleurs québécois déclarent vivre un degré élevé de stress au quotidien. Dans certains milieux de travail, des études ont montré que ce taux peut grimper à 1 travailleur sur 2. En Europe, la situation est tout aussi préoccupante : 1 cas sur 2 d'absentéisme est causé par le stress chronique, d'après un rapport de l'Agence Européenne pour la Santé et la Sécurité au Travail paru en 2009. Cela est sans compter les effets du présentéisme : être présent au travail, mais absent d'esprit, en raison d'un problème de santé physique ou psychologique.
Causes professionnelles :
La grande majorité des personnes qui souffrent d'un Burn out endossent une charge de travail élevée, à laquelle s'ajoutent l'une ou l'autre des sources de tension suivantes :
- Manque d'autonomie : ne participer à aucune ou à peu de décisions liées à sa tâche conduit à une forme d'infantilisation redoutable qui met à distance son sentiment de responsabilité et conduit à la banalisation et à la perte d'initiatives.
- Déséquilibre entre les efforts fournis et la reconnaissance obtenue de la part de l'employeur ou du supérieur immédiat (salaire, estime, respect, etc.).
- Faible soutien social : avec le supérieur ou entre les collègues.
- Communication insuffisante : de la direction aux employés, concernant la vision et l'organisation de l'entreprise.
Certaines conditions professionnelles favorisent l'émergence d'un stress élevé, pouvant par la suite provoquer un Burn Out s'il se prolonge dans le temps durablement :
- Une situation nouvelle (déménagement pro, réorganisation du travail, arrivée d'un nouveau manager, retour sur un autre poste moins valorisant après un arrêt maladie, ou congé maternité, parental...)
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Une situation imprévue (beaucoup de contrats et de travail à rendre en un temps très limité)
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Une impression de manque de contrôle (des directives, sans communication/conciliation)
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La mise en doute des capacités pour accomplir le travail sollicité par le supérieur hiérarchique
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Le harcèlement psychologique, sexuel et moral...
Facteurs personnels
Il existe en plus de ces facteurs, des particularités individuelles qui entrent en jeu. Certaines personnes sont plus sensibles au stress que d'autres, et parviennent moins à s'en défendre. Du point de vue biologique, les médecins ne parviennent pas encore à expliquer complètement ce qui mène à l'épuisement professionnel. Tous les travailleurs qui traversent une période d'épuisement sont en situation de stress chronique. Il s'agit donc d'un important facteur de vulnérabilité.
Certaines personnalités sont plus « candidates au Burn out » : un trop grand perfectionnisme, le besoin de contrôle, de valorisation/gratification via un regard extérieur et notamment hiérarchique, la faible estime de soi, la volonté de réussir et la peur de l'échec, la solitude ou au contraire de lourdes responsabilités familiales, et surtout la difficulté à poser des limites ... sont autant de facteurs fragilisant la personne et pouvant mettre en péril la conciliation travail-vie personnelle.
Aussi, le Burn Out surgit à la rencontre d'un certain contexte professionnel et d'enjeux de personnalité de la part du sujet. Lorsqu'il est en mesure de stopper la charge de travail, de dire non et de réduire le stress (autoconservation, pulsion de vie plus forte), le sujet ne sombre pas dans ces mécanismes. Il a la capacité d'y résister et trouve des issues pour se ressourcer et sortir du schéma avant de s'y laisser enfermer.
Quels sont les signes précurseurs qui doivent nous alerter ?
L'épuisement professionnel entre dans la catégorie des troubles d'adaptation. Il n'est pas reconnu comme une maladie mentale, et ne figure donc pas dans le DSM IV, le manuel médical des troubles mentaux. Le diagnostic est donc difficile à établir, car les médecins ne disposent pas de critères précis. Ainsi, distinguer un épuisement professionnel d'une dépression n'est pas chose simple. Quelques critères doivent pourtant vous alerter (cf. grille d'évaluation de l'épuisement professionnel en fin d'article) :
Une démotivation par rapport à son travail et un sentiment d'échec
Aller au travail devient très pénible, des périodes de bien être se retrouvent durant les vacances, tandis que la fatigue et le stress réapparaissent au retour au travail. La personne traine des pieds, de façon durable et continue. Le stress augmente, accompagné d'un sentiment d'incapacité et de culpabilité, qui vise à être compensé dans un premier temps par une suractivité. Or, ce syndrome de suractivité va de pair avec l'épuisement professionnel. La personne n'arrive plus à faire son travail. Le sujet va compenser en redoublant d'efforts, ne plus compter son temps de travail, alors que l'efficacité n'est plus du tout au rendez-vous. C'est ce qui amène la personne à entrer dans le cercle vicieux du regain d'effort couronné par le sentiment d'incompétence, conduisant au sentiment d'échec et de dépréciation de soi.
Une fatigue psychique
L'anhédonie ou perte de motivation, caractéristique dans la dépression classique, se traduit par une descente progressive, à la différence du Burn Out, où l'on s'empêche de sombrer. Lorsque le déni cède et laisse place à la souffrance psychique, l'anxiété et le mal-être prennent le dessus et le sujet finit par s'effondrer de façon très brutale. Du jour au lendemain, sans y prendre garde, le sujet ne peut plus se rendre à son travail, il est comme terrassé par l'angoisse, et les troubles physiques qui l'accompagnent... La chute est brutale et soudaine. Le symptôme le plus classique est de ne plus pouvoir se lever le matin, malgré les impératifs professionnels de sa journée, ce dont le sujet a conscience.
Un sentiment d'anesthésie affective
Des symptômes de dépersonnalisation apparaissent, les sujets ont l'impression de ne plus rien ressentir, c'est comme s'ils agissaient tels des robots. Il s'agit d'un fonctionnement « opératoire », les actions sont délivrées sans émotion, ni affect, mécaniquement. Lorsque le sujet travaille avec « de l'humain », les conséquences sont encore plus notables et deviennent également préjudiciables pour autrui.
Les troubles cognitifs et physiologiques
Les sujets présentant ce syndrome de Burn Out sont tous victimes d'un état de fatigue physique intense, qui découle notamment de troubles du sommeil. Une fatigue qui affecte le corps. Cet épuisement physique, conjugué au stress émotionnel cause des troubles cognitifs : attentionnels, de mémoire et de concentration entre autre... et abaisse les défenses immunitaires et entraîne des infections à répétition, de type angines, rhumes ou encore otites.
Parallèlement, de nombreuses douleurs physiques accompagnent ce syndrome. Des patients vomissent avant d'aller travailler, des céphalées, migraines, douleurs lombaires (j'en ai plein le dos), intestinales, malaises vagaux sont autant de signes physiques qui demandent au sujet de « s'arrêter », qui l'alerte sur la trop grande source de stress qu'il n'est plus en mesure de réguler.
Quelles sont les conséquences organiques et psychiques d'un Burn Out ?
Une période d'épuisement professionnel peut, au-delà du travail, avoir des répercussions dans toutes les sphères de la vie. Dans pareil cas, la personne peut glisser vers un état dépressif qui masquera ses réelles difficultés sous-jacentes.
Certaines personnes peuvent vivre de l'anxiété, souffrir de troubles de l'alimentation, avoir des problèmes de toxicomanie ou, à l'extrême, des pensées suicidaires. Certains travailleurs s'épuisent même au point d'y laisser leur vie. Le terme japonais karoshidésigne la mort subite par épuisement nerveux au travail, causée par une crise cardiaque. Le phénomène a été observé pour la première fois au Japon à la fin des années 1960.
Le stress chronique entraînerait aussi plusieurs dérèglements sur le plan physiologique et des troubles tels que : l'obésité, les maladies cardiovasculaires et le diabète de type 2, dont il est connu qu'ils sont plus fréquents chez les gens qui vivent une fortepression psychologique.
Une quinzaine de marqueurs sont sous la loupe des chercheurs, incluant les taux sanguins de cortisol, d'insuline, de protéine C-réactive, de cholestérol et de triglycérides, de même que la tension artérielle et le rapport tour de taille/tour de hanche. Ces marqueurs sont souvent mesurés isolément. Or, il semble que sous l'effet du stress chronique, un fin dérèglement de plusieurs systèmes hormonaux se produirait en même temps.
Dissemblances et ressemblances entre un Burn Out et une Dépression...
Le Burn out (ou épuisement professionnel) est nécessairement lié au travail. Dans la dépression, le travail n'est pas la cause première, mais peut être un facteur aggravant. De plus, en cas de Burn Out, la personne atteinte est toujours en situation de stress chronique, tandis que ce n'est le cas qu'une fois sur deux pour la dépression.
Par ailleurs, des différences physiologiques ont été constatées. Par exemple, les gens déprimés produiraient trop de cortisol et ceux qui sont en épuisement professionnel, insuffisamment.
Aussi, la différence entre un état dépressif et un épuisement professionnel ou burn-outest essentiellement contextuelle. Dans les deux cas, les patients sont découragés et tristes, fatigués émotionnellement, en retrait, présentant des troubles cognitifs, luttant contre les pertes de mémoire et les troubles de la concentration, dormant mal, présentant une perte ou une prise de poids etc... Dans le cas de Burn Out, le sujet s'est impliqué de façon excessive, c'est un forçat du travail qui a beaucoup de mal : à accepter son état, à renoncer à son travail, mais aussi à entrevoir et mettre en œuvre d'autres priorités au bénéfice de son mieux être.
Si un sujet souffrant d'un état dépressif léger peut être maintenu au travail éventuellement avec un traitement, le professionnel en Burn-Out va continuer à s'épuiser et nécessite rapidement une mise à distance, souvent un arrêt de travail qu'il a bien du mal à accepter. Quand son état l'y contraint, il ressent culpabilité et un « état de manque» comme le drogué loin de sa substance. Pour le dépressif en arrêt le soulagement est plus rapidement perceptible.
Dans le Burn Out, comme dans la dépression, les rechutes sont fréquentes mais dans des circonstances bien différentes. Le professionnel en Burn Out peut avoir du mal à en tirer les enseignements, banaliser rapidement ce qui lui est arrivé en banalisant son premier épisode et continuer ainsi dans l'hyper-implication, prenant le risque de sombrer de nouveau et de façon plus forte cette fois. Cela procède de mécanismes de personnalité plus profonds.
Ce ne sera qu'au bout de plusieurs épisodes qu'il sera capable de se repositionner dans le monde professionnel. Bien souvent, ces personnes ont tendance à fuir la psychothérapie qui pourrait pourtant les aider à remettre en cause leurs schémas comportementaux de sur-implication extrême, comme u manque à combler.
Dans les cas d'épisodes dépressifs, le suivi est accepté un peu plus aisément ainsi que la nécessité d'une prise en charge psychothérapique et/ou médicamenteuse.
La demande initiale de consultation d'un patient en Burn Out est souvent conditionnée par « son addiction au travail », il demanded'emblée la tranche horaire la plus tardive (pas avant 20h !), voire le samedi. Son taux de retard voire d'absentéisme aux consultations est important : il trouve finalement beaucoup de raisons de ne pas partir à temps du travail...
Comment en sortir ?
Lorsque l'état de fatigue se chronicise, un week-end de repos ou même une semaine de vacances ne suffisent pas pour se rétablir. La personne souffrant d'un burnout doit être extraite au plus vite de son milieu professionnel, sous peine d'aggravation de son état. Il est très difficile pour le patient de prendre acte de ce qui se joue en lui, mais la plupart du temps il faudra compter entre 6 mois et 24 mois d'incapacité à travailler. Le Burn Out est un trouble parfois plus grave que la dépression, cette dernière pouvant la plupart du temps être soulagée au bout de 6 mois.
Face au Burn out, SEUL LE REPOS COMPLET durant plusieurs mois, permettra la guérison. Il est important que les patients le sachent pour éviter de culpabiliser et de se déprécier davantage.
La démarche thérapeutique est la suivante : Un arrêt de travail prescrit par le médecin traitant tant que la sévérité du trouble agit encore sur le patient et qu'une amélioration franche ne peut être notée. Le médecin décidera de l'utilité ou non d'une prescription médicale médicamenteuse. Parfois, l'hospitalisation est indispensable, lorsque la personne nourrie des idées suicidaires, qui risquent de conduire à la tentative de suicide et selon la gravité du tableau d'épuisement et des risques somatiques(AVC, infarctus...).
Parallèlement, le suivi en psychothérapie demeure primordial et a pour objectif d'aider la personne à comprendre sa pathologie, à donner un sens à ses symptômes. Le thérapeute aidera ainsi son patient à accepter son état de fatigue et à enfin prendre soin de soi.
Il est important de rompre tout contact avec l'Entreprise qui l'emploie, y compris avec les collègues avec lesquels la personne s'entend bien. En effet, les appels téléphoniques, la consultation des mails, etc. contribuent très largement à maintenir cet état d'épuisement. Car ces contacts engendrent un stress très important de par la seule évocation du milieu professionnel. Dans cette situation, le patient ressent une véritable violence, qu'il convient de repérer et le thérapeute de l'en protéger.
La reconnaissance de leur état est une des priorités de la psychothérapie, ce qui va permettre une restauration narcissique. La psychothérapie porte essentiellement sur la reconstruction de l'équilibre psychologique, composé de sa vie personnelle et fantasmatique mais aussi en lien avec les acteurs extérieurs.
Les patients sont donc incités à développer ou redévelopper leur sphère personnelle, en accordant plus de temps et de qualité pour les loisirs et les relations humaines. Il faut retrouver le plaisir à faire et à penser dans d'autres cadres, tout en faisant prendre conscience que le travail n'est pas la seule priorité dans un chemin de vie.
Parallèlement, le médecin conseil de la sécurité sociale, le médecin du travail et parfois l'avocat sont des agents nécessaires à cette reconstruction, car ils restaurent par leurs interventions certains éléments de la réalité et les font valoir auprès de la société et de l'entreprise. Ces aspects légaux et professionnels, font partie intégrante du processus de restauration du sujet, en légitimant par le recours à la loi, sa souffrance psychique.
Dans tous les cas, plus l'épuisement professionnel est détecté rapidement, plus grandes seront les chances d'une amélioration rapide de l'état émotionnel, psychique et physique du sujet.
Lorsque le patient semble apte à reprendre son travail, le médecin traitant peut décider des conditions d'aménagement du travail. Par exemple avec un mi-temps thérapeutique ou un temps partiel. La poursuite de la psychothérapie est indispensable. Il est souvent nécessaire d'envisager un changement de travail pour stopper les phobies, crises de panique, angoisses consécutives à ce trauma.
C'est bien souvent l'issue la plus favorable, la vraie victoire pour le patient qui a gagné un nouveau départ professionnel, et qui a pu se confirmer dans de nouveaux talents, posant de nouvelles limites plus adaptées à ses besoins, reprenant ainsi confiance en ses capacités et envies.