Bonjour,
Je me permets de partager ici mon expérience. Je vis une situation qui ne me semble pas incroyablement exceptionnelle, pour autant je ne trouve aucun témoignage, aucun livre ni site internet sur le sujet. D'avance merci si vous avez des infos à partager.
Je suis un homme de 41 ans. J'ai refusé d'être père jusqu'à 35 ans. Les raisons étaient multiples et changeantes : situation instable, partenaire incertaine. J'étais dans l'attente d'une situation idéale de moi et de mon couple, autant dire que ça n'est pas arrivée ! Après un bon bout de chemin sur le divan et ailleurs j'ai lâché cette (qué!)quête impossible (désolé pour la blague).
Je suis installé depuis 7 ans avec une chérie presque idéale, maman de 2 enfants géniaux âgés de 12 et 16 ans. Nous avons tenté depuis 5 ans de faire un enfant :
sous la couette,
sous la couette avec vigilance calendaire,
sous les néons de la science : FIV multiples
sous les frontières : FIV avec dont d'ovocite en Espagne (interdit en France pour les plus de 40 ans)
sous pression : fausses couches multiples
C'est un parcours absolument éprouvant pour le couple, la sexualité, l'accaparement de temps et d'énergie donné sans succès... c'est un parcours assez classique pour la PMA, et un parcours écrasant pour madame : hormones à gogo, stress, impudeur, culpabilité et j'en oublie.
La dernière proposition des médecins était que nous tentions une FIV avec dont d'ovcyte + traitement "Anti-Rejet". Madame à 42 ans, c'est l'étape de trop. Nous en parlons beaucoup et nous décidons d'arrêter ce qui devient pour nous de l'acharnement.
L'étape suivante dans ce type de parcours est fréquemment l'adoption. Nous ne faisons pas ce choix, notamment pour des raisons de délais (l'attente est longue et nous ne sommes plus tout jeune).
Donc bref nous décidons de lâcher complètement ce projet et de revenir à ce qui existe : nous et les 2 enfants déjà là. Pourtant, (surprise ?) je me prends en pleine poire le contre coup que je peine à qualifier : regret ? deuil ? défaut-de-paternité ? non-tansmission-génétique ? non-teneur-de-son-bébé-à-soi-dans-les-bras-comme-dans-les-films-où-le-monsieur-pleure-et-comprends-enfin-tout-de-l'importance-de-la-vie ?
Cela fait plusieurs mois et c'est toujours assez présent.
En parler avec Madame n'est pas simple : cela titille sa culpabilité ambiance "je n'ai pas su te donner un enfant".
En parler avec des amis sans enfant ? ceux que je connais sont sur un mode différent du type "je revendique de ne pas vouloir d'enfant".
En parler avec quiconque est parent : l'écoute est parfois appréciable mais l'empathie est impossible. Le parent qui s'imagine sans enfant se voit traversé d'un effroi qui se lit instantanément dans (la prunelle de !) ses yeux.
Sur internet je trouve des infos rares et uniquement autour du deuil de la maternité, cf. l'article très appréciable qui m'a amené sur ce site : https://www.accueilpsy.fr/deuil-desir-enfant-bebe-maternite..html
Je cherche des livres mais également sans succès. Les papas sont assez absents du désir de parentalité... et encore plus de son échec.
Pourtant le sujet amène un paquet de questions super intéressantes :
La paternité c'est une rencontre ou une naissance ?
Lorsqu'on devient papa, nombreux sont les témoignages de ce que cela convoque dans sa relation avec son père... on passe à coté de quoi si on n'est jamais papa ?
quel lien entre la virilité et la paternité ?
comment ça vieilli l'absence de souvenir des naissances ?
qui viendra à mon enterrement ?
un beau-fils donne naissance à un petit-fils ou à un beau-petit-fils ?
L'annonce d'une grossesse ou d'une naissance me blesse aujourd'hui. Cela durera longtemps ?
En définitive... Qu'est-ce qui me manque vraiment dans le fait de ne pas être père ?
Si vous avez d'autres réflexions, témoignages, documents... merci ! blogaseb@free.fr
J'ai effectivement peu de témoignage d'homme et de père. La littérature scientifique ne leur fait effectivement que peu de place. Et je reconnais tout comme vous le manque incontestable sur le sujet.
Et pourtant des scientifiques viennent de publier une étude sur le comportement hormonal des hommes qui sont en couple avec leur femme enceinte.
J'ai suivi en psychothérapie des hommes qui vivaient la grossesse de leur femme avec des problématiques physiologiques très proches (hypersensibilité olfactive) sans parler des couvades (connues depuis le moyen âge)...
Notre savoir demeure empirique. Il est incontestable que les hommes traversent des phases similaires sur le plan psychique, pourvu qu'on leur accorde une place sur le sujet.
Ces problématiques naissantes se voient probablement amplifiées par la place nouvelle des pères faite auprès du bébé, en commençant par la salle d'accouchement, qui n'était autorisée qu'aux femmes et corps médical il y a encore une 30aine d'années.
Pour l'heure, vous pouvez vous rapprocher des professionnels de Necker qui enseignent à la fac, je pense à Bérangère Beaucquier, Luis Alvares, Sylvain Missonier (qui tient une séance sur les sujets de périnatalité et qui est mensuelle nommée 1er Chapitre) et bien sur Bernard Golse.
Bien à vous
Céline Lemesle, Psychologue