Bonjour Madame,
Je me permets ce message en espérant avoir des réponses de votre part. J'ai 44 ans, mariée et une enfant de 14 ans. Nous étions heureux ainsi avec un seul enfant. Pendant de nombreuses années on m'a interpellé concernant un deuxième enfant mais nous n'avions pas l’envie d’un tel projet. L'arrivée de notre enfant nous a bousculé : grossesse et accouchement très compliqués, enfant avec des problèmes de santé et une relation de couple difficile, avec le ressenti d’une certaine solitude familiale lorsque nous avions besoin d’aide extérieure. (J’ai perdu mon père jeune et mon mari n’a plus sa maman). À l’approche de la quarantaine, j’ai eu une certaine nostalgie à l’égard des années de petite enfance de notre fille et une culpabilité de ne pas lui avoir donné un frère ou une sœur. L’an passé je me suis retrouvée enceinte (grossesse non désirée), après l’étonnement et une forme d’acceptation, j’ai pris peur, nous avons pris peur j’étais terriblement angoissée ainsi je n’ai vu comme solution que l’Ivg. J’ai très souvent accepté les situations qui s’imposaient à moi sans les refuser ou m’affirmer (en laissant faire les choses ou en laissant les autres prendre des décisions) et là j’ai refusé, mon mari était également d’accord avec ce choix. Une part de moi aurait désiré peut être à nouveau cette maternité, une autre part ne se sentait plus capable et était effrayée. Après cet acte, j’ai eu une période très compliquée et j’ai réalisé une thérapie Emdr. Je pensais aller mieux mais je suis à nouveau empreinte de doutes et de culpabilité intense. Je me sens en dehors de ma famille (je suis une enfant arrivée par surprise chez des parents déjà âgés , ma mère est également une enfant issue d’une grossesse tardive mais désirée). J’ai la sensation d’avoir été cruelle vis à vis de notre famille, de mes désirs, de ma famille, d’avoir très mal agi et d’avoir refusé un destin qui était le mien, le notre. Cette culpabilité est très lourde à porter et je ne trouve aucune réponse apaisante. Pourriez-vous me donner quelques pistes pour avancer dans tout ça ?
Je vous remercie pour cet espace d'écriture.
La question de l’IVG soulève toujours des conflits et ambivalences psychiques (vouloir et ne pas vouloir en même temps). Vous exprimez très bien la prise de décision qui a été mûrement réfléchie au sein de votre témoignage et en cela vous n’en devriez pas la regretter à mon sens.
C’est la l’expression d’une affirmation de vous, et elle est toute légitime.
Ce que vous écrivez par la suite au sujet de votre histoire personnelle explique bien le mécanisme sous jacent à votre ambivalence et le sentiment coupable qui l’alimente.
Je crois que vous vous identifiez inconsciemment à cette grossesse, étant vous meme issue d’une grossesse surprise et cela apparaît alors très anxiogène pour vous.
Or, je pense que vous avez du mal dans ce contexte à établir la différence entre une cellule de vie et un enfant.
Vive sa vie et de façon « bonne » c’est également de mon point de vue faire des choix. Et ces choix appellent nécessairement des renoncements.
Vous abordez également la question du transgenerationnel. Les théories psychologiques à ce sujet énoncent que ce qui fait symptôme dans une famille parle de la nécessité de changer, de modifier un schéma vécu comme inadapté ou pathologique.
Et dans votre cas, il s’agit effectivement de se positionner de façon active dans sa vie et non plus de la subir au gré des expériences ressenties et perçues de façon externes à soi.
Vivre positivement sa vie c’est également avec éthique et valeur, en conformité avec soi. Il ne fait aucun doute en vous lisant que votre décision était conforme à votre vie personnelle et en désaccord avec celle des générations précédentes.
Chaque personne est libre de choisir pour soi et de contrarier des schémas préexistants à soi s’ils ne sont pas conformes à nos propres aspirations. Cela demande du courage et de la détermination pour dépasser effet ce sentiment coupable. Mais c’est à ce prix que la perception d’une vie libre et choisie se tisse.
J’espère avoir pu répondre à certaines questions sous jacentes, qui mériteraient probablement d’etre approfondies avec l’aide d’un tiers pour vous apaiser pleinement et durablement.
Bien à vous.
Celine Lemesle
Céline Lemesle, Psychologue